La justice
Esprit de l’U.A.A.
U.A.A. extrêmement engageante et pleine de potentiel, La justice promet de nombreux moments de discussion qui permettent l’exercice des habiletés de pensée. La prolifération des thèmes et des exemples implique dès lors d’au moins circonscrire les différents moments de réflexion. En effet, s’il s’agit toujours de justice, ce n’est pas la même chose de parler de la justice sociale, du concept de justice au sens philosophique, de la prison ou du bien. Il y a donc un risque non négligeable de transformer la séquence en une sorte de café du commerce si on ne précise pas de quoi on parle, de quelle justice on parle. Ainsi, en guise de conseil, on pourra insister sur l’importance de bien choisir ses exemples et d’anticiper au minimum le champ d’investigation qu’auront ouvert les cas concrets que nous proposons. De ce fait, la précision des notions viendra articuler les champs entre eux offrant un panorama complet qui fera sens.
Compétences
Problématiser le concept de justice
Il s’agira essentiellement de brosser un portrait des différentes représentations et conceptions de la justice (institutionnelle, idéale, en tant que valeur, etc. ) et d’en montrer les dimensions opposées voire contradictoires.
Identifier différentes conceptions de la justice et justifier les raisons qui peuvent amener à privilégier l’une ou l’autre d’entre elles.
Il s’agira sur la base de ces différents éléments mis en avant d’être capable de les repérer et de porter un jugement évaluatif sur la pertinence de leur utilisation pour résoudre des problèmes.
Glossaire des notions
Séquence : En guise d’accroche
Dans l’optique de proposer une réflexion sur la justice, nous commencerons par mobiliser et faire intervenir la représentation qu’ont les élèves de la justice. Pour ce faire, nous utiliserons le podcast d’Arte : L’avocate du diable, dans lequel une avocate pénaliste (du côté de la défense) explique son travail et sa vision de la justice.
L’idée est de proposer aux élèves de l’écouter à domicile et de relever les éléments avec lesquels ils sont d’accord ou non, s’ils trouvent les propos choquants ou non et de dire en quoi la représentation de la justice de l’avocate correspond ou non à la leur. Le tout se fait sans trop de formalisme étant donné le caractère très clivant de l’interviewée et son franc parler.
Après un moment d’échange autour des représentations et des commentaires des uns et des autres, vient le temps de l’analyse du podcast à proprement parler. Car à bien y tendre l’oreille, on se rend compte que le propos de l’avocate évolue au fur et à mesure de son témoignage. Cette évolution n’est pas celle d’un changement de point de vue ou d’avis, mais bien un changement dans le traitement de ce qu’on appelle justice. Ainsi, si le cadre institutionnel est prédominant dans ce podcast, le recours à un interrogation sur le caractère juste de la justice prend de plus en plus d’ampleur au fur et à mesure que l’assurance et le côté “agaçant” de l’avocate-compétitrice laisse place à une colère qui prend racine dans le traitement toujours défavorable des accusés.
C’est en ce sens que ce podcast est idéal dans son rôle d’accroche choc car il invitera fortement les élèves à prendre position en réaction, réaction qui sera nuancée par une analyse plus minutieuse de ce qui est dit et qui introduit les grands éléments dont nous aurons besoins pour explorer et problématiser le concept de Justice.
Premier arrêt : La notion de droit
Partant de cette accroche qui contient en substance de nombreux éléments de réflexion, nous faisons une première halte de précision des notions afin d’introduire celle de droit. Abordant le texte d’Adelino Braz, il s’agira de révéler et d’analyser la nature du droit afin d’éclairer l’accroche de la séquence et, par là montrer en quoi elle incarnait cette difficulté dans le rapport à la loi.
Afin de bien distinguer cette difficulté relevée par Braz et de ne pas la confondre avec le sentiment de justice et la relativité de la loi, on passera par le célèbre texte de Pascal. Ce sera d’ailleurs l’occasion de travailler (sans autre enjeu concernant que la compréhension générale) un texte philosophique faussement abordable à cause d’un style qui, s’il est très agréable à découvrir, emploie des formulations qui appelleront à être explicitées.
Transition : Le cas du kanun
Comme indiqué dans la présentation, les exemples ne manquent pas pour donner corps à cette séquence. Parmi ceux-ci, le cas du kanun est particulièrement éclairant par bien des aspects. En effet, cette pratique traditionnelle de “vengeance codifiée”, en plus de son aspect spectaculaire, porte en son sein de nombreux aspects de la problématique comme le fait de pouvoir l’appliquer sur un membre de la famille du fautif, ou le fait de pouvoir sortir de cette spirale moyennant compensation financière, mais également dans une part de l’explication de l’utilisation de cette vieille tradition à cause d’une certaine faillite de l’État à faire respecter la justice dans cette région.
Deuxième arrêt : L’équitable chez Aristote
Afin de boucler la séquence qui a essentiellement tourné autour du concept de justice dans sa relation au droit, à la loi ou à la nature, le texte d’Aristote sur l’équité est idéal moyennant un exercice de précision sémantique entre les différentes notions abordées tout au long de l’U.A.A. Grâce à l’ajout de la notion d’équité, nous pouvons alors aborder une dimension supplémentaire du concept de justice qui a accompagné implicitement le parcours des élèves à savoir le juste.
Pour ce faire de manière rigoureuse, il parait indispensable d’aborder la question de l’équité selon Aristote en précisant le caractère vertueux, le “moins que son dû”, pour faire émerger les conflits qui peuvent apparaître entre égalité et équité comme avoir la possibilité de bénéficier d’un droit et bénéficier d’un droit parce qu’on en a la possibilité (sans nécessité), etc. Dans le cas d’Aristote, c’est le caractère vertueux de l’équitable qui permet à la fois d’interroger la relation entre justice, droit et morale (on peut y ajouter la distinction entre juspositivisme et jusnaturalisme), mais aussi de permettre une “internationalisation” de la question à travers les thématiques du commerce équitable, de la juste rétribution et des inégalités dans le monde (pour sortir un peu du carcan juridique).
Un texte qui boucle ainsi une séquence qui pourra se finir par un retour sur le témoignage de l’avocate afin d’y préciser les sens du mot justice que nous avons faits éclore tout au long de l’U.A.A.