C’est ici tout le défi qui se présente aux hommes : être en mesure de pouvoir établir des lois qui préservent et incarnent le juste au moyen du droit et de ses instruments. Toutefois, contre tout optimisme dogmatique, l’existence du droit est d’abord l’expression de l’irrémédiable insociabilité qui habite l’être humain. En effet, partant du constat simple que l’individu n’est aucunement un être asociable, qui exclut tout rapport à l’autre, force est de constater que la législation juridique est d’abord une réponse à l’impossibilité même de constituer une communauté au sein de laquelle il n’existerait aucun conflit. Autrement dit, si le droit est la condition de possibilité de la société civile, c’est en raison de l’incapacité des hommes à pouvoir vivre spontanément ensemble dans un contexte dépourvu de conflit. La difficulté, c’est que le droit lui-même, et peut-être en raison même de cette insociabilité naturelle, n’est pas une garantie absolue contre l’instauration d’un état injuste. Un règlement peut avoir force de loi, il n’en n’est pas pour autant une loi juste. De ce point de vue, si le droit s’est affirmé comme un objet philosophique, c’est précisément parce que sa légalité et plus précisément, la législation juridique devient un élément d’interrogation.

Adelino BRAZ, La philosophie du droit, Paris, Ellipses édition Marketing, 2015, p. 10.


À partir de ces éléments, trois caractéristiques contribuent à définir le droit. Il s’agit d’abord, d’un ensemble de règles constituant une législation extérieure, à savoir des lois qui ne s’appliquent qu’à la sphère de l’action des individus. Elles impliquent l’imposition de limites à l’agir humain afin de rendre possible la constitution d’une communauté. Ensuite, il s’agit d’une législation commune au sens où elle est valide et applicable à l’ensemble des individus, sans exception. Enfin, le droit se réfère à un pouvoir coercitif, susceptible d’imposer sa juridiction et de délivrer des sanctions en cas de transgression de la juridiction prescrite. En ce sens, cette législation extérieure commune et coercitive doit s’affirmer comme une condition de possibilité de la vie en commun.

Adelino BRAZ, La philosophie du droit, Paris, Ellipses édition Marketing, 2015, p. 12.

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