Le terme de justice, comme le groupe latin auquel il se rattache, appartient originellement au vocabulaire juridico-religieux, et dénote l’idée de conformité au droit, et au sentiment moral d’équité. Dérivé du jus latin, le terme de « justice » prend la double signification de droit et de justice ; de fait, le français, à la suite du latin, désigne par justice à la fois ce qui est conforme au droit, la justice rendue par le pouvoir judiciaire lui-même, mais aussi ce qui est de l’ordre du sentiment : le sentiment d’équité, l’esprit de justice, relevant non plus d’une institution, mais d’une exigence morale, d’un sens éthique. Cette double dérivation philologique est à l’origine de ce qui peut apparaître comme une certaine ambiguïté de la notion, alors que cette oscillation est, plus radicalement, l’expression d’une hétérogénéité sémantique constitutive : la justice est d’abord une idée, qui irrigue et alimente les revendications de l’individu dans son rapport au social, et aux autres en général ; mais cette idée se trouve pour ainsi dire toujours déjà incarnée dans un ordre juste des choses, auquel elle renvoie. Plus tard, l’idée de justice se prolongera, et, en un sens, se pétrifiera, pour donner naissance à un certain nombre d’institutions, c’est-à-dire d’entités socio-politiques ayant pour fonction d’incarner et de réaliser in concreto, au sein de la société, cette exigence individuelle et collective de justice. Ainsi se constitue la justice au sens du pouvoir judiciaire qui, s’il prend des formes innombrables selon l’infinie diversité des sociétés humaines, n’est pourtant absente d’aucune d’entre elles. Toute société sans exception met en place un système d’institutions et d’hommes chargés de dire la loi, et, selon l’expression consacrée, de rendre la justice.

Philippe FONTAINE, La justice, Paris, Ellipses Edition Marketing, 2018, pp. 7-8.

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