Science et expertise

Esprit de l’U.A.A

Par la connaissance qu’elle suppose des éléments de base de l’épistémologie, des méthodes scientifiques ou encore des débats contemporains sur la légitimité de l’expertise scientifique dans son rapport à la démocratie, Science et expertise est très certainement l’U.A.A. dont l’absence d’un minimum de bagage est le plus délétère. Cela est d’autant plus vrai si l’on combine la place particulière des sciences dans notre société avec les interrogations qui demeurent toujours aussi vives suite à une pandémie qui aura tendu le lien entre le citoyen, la science et le politique.

Pour faire de cet état de fait une force plutôt qu’un poids, il semble intéressant de partir des représentations (souvent caricaturales) de la science afin de les critiquer à l’aide de notions et d’outils conceptuels précis. A mon sens, tout l’enjeu de cette U.A.A., véritable ligne de crête, tient à bien faire distinguer les approches caricaturales de notre rapport à la science (exemple: “la science ne peut pas tout expliquer, c’est bien la preuve que n’importe quelle explication est bonne”) d’une approche critique qui, malheureusement, restera de l’ordre de l’introduction (exemple : “Quelle est ou devrait être le poids et la légitimité du savoir scientifique dans la prise de décisions politiques ?”).

Compétences

Problématiser le concept de science

Il s’agira essentiellement de montrer en quoi le concept de science a été et est plus difficile à élaborer que ne le laisse supposer le sentiment général.

Distinguer ce qui relève du débat démocratique de ce qui relève de l’expertise scientifique

Il s’agira sur la base de cas concrets de repérer les éléments qui font varier la légitimité du citoyen ou du scientifique à faire autorité dans ce cas précis.

Identifier les tentatives d’instrumentalisation de la science

Il s’agira à partir de cas concrets, de repérer et de commenter en quoi l’utilisation qui est faite de la science ou de l’étiquette “science” est dévoyée.

Glossaire des notions

L’épistémologie constitue un discours critique qui, en plus de décrire la connaissance scientifique, s’efforce de porter un jugement sur sa valeur, son bien-fondé, ses prétentions et ses limites. L’épistémologie prend pour objet des connaissances scientifiques déjà constituées. (source : Reformulation d’un extrait de Guillaume Decauwert, L’épistémologie, Paris, Ellipses Edition marketing, collection Apprendre à philosopher, 2018, p. 11.)

Les critères de scientificité supposent l’existence de critères qui permettent de distinguer les disciplines scientifiques des autres. Selon Chalmers, en simplifiant sa pensée, on retrouve deux grandes catégories de critères : ceux des rationalistes et ceux des relativistes.

Pour quelqu’un qui se revendique de l’école rationaliste, il existe un critère simple et universel pour déterminer quelle théorie doit être choisie. Ce critère peut changer d’un rationaliste à un autre. Par exemple un inductiviste dira que le critère de sélection sera les faits (en gros). En revanche, un falsificationsite établira son critère sur le caractère falsifiable de théories non falsifiées.

Toutefois, il est à noter que, dans les deux cas, le critère se veut objectif et universel. S’ils n’ont pas le même critère, tant l’inductiviste que le falsificationniste ont la même représentation de l’application de ce critère. Ainsi le critère, en tant qu’il est universel et objectif, permet de distinguer ce qui relève de la science de ce qui n’en relève pas et ainsi, participe d’un “progrès” dans la voie vers la “vérité” ou un “mieux”.

Pour le relativiste, le critère de sélection ne peut pas être universel et ahistorique (indépendant de l’histoire) comme le prétend le rationaliste.
L’approche relativiste tend à montrer qu’une quantité non négligeable de facteurs, mais surtout des facteurs non-nécessairement liés à la méthode scientifique « pure », entrent en compte dans l’établissement, le choix ou la défense d’une théorie ou d’une discipline par rapport aux autres. L’existence de tels facteurs tend à condamner la méthode scientifique à ne jamais pouvoir être universelle et purement objective.

Ainsi, les sélections faites sont le fait d’individus ou de communautés et non pas guidées par la seule rationalité pure du savant ou de la communauté. De ce fait, pour le relativiste, la séparation entre science et non-science se révèle beaucoup plus floue et soumise à interrogation puisque la science ne peut plus prétendre être cette voie royale pour la vérité.

Les scientifiques s’efforcent de confronter le produit de leur imagination (la théorie scientifique) avec la « « réalité », c’est-à-dire l’épreuve des faits observables. De plus, ils ne se contentent pas de récolter des signes de sa validité, ils s’efforcent d’en produire d’autres, plus précis, en la soumettant à l’expérimentation. Et les résultats de celle-ci peuvent s’accorder ou non à la théorie. Et si l’accord ne se fait pas, il faut jeter la théorie et en trouver une autre. Ainsi le propre d’une théorie scientifique est d’être tout le temps modifiée ou amendée. (source : François Jacob « L’évolution sans projet » in Le darwinisme aujourd’hui)

Toute pensée qui n’est pas un savoir. S’oppose pour cela, spécialement, aux sciences. C’est ce qui faisait écrire à Bachelard, en un texte fameux : « L’opinion pense mal ; elle ne pense pas : elle traduit des besoins en connaissances » (La Formation de l’esprit scientifique, I). C’est forcer trop l’opposition. D’abord parce que les opinions jouent un rôle aussi dans les sciences en train de se faire, et qui n’est pas seulement celui d’obstacle épistémologique (mais aussi d’idée régulatrice, d’hypothèse vague, d’orientation provisoire et tâtonnante…). Ensuite parce qu’il y a des opinions droites, comme Platon le soulignait déjà, lesquelles, pour insuffisantes qu’elles demeurent, sont légitimement tenues pour vraies. Enfin, et surtout, parce qu’une opinion pensée, réfléchie, théorisée, n’en reste pas moins opinion pour autant : la philosophie en est pleine. Par exemple, quand Descartes affirme que la volonté est libre ou quand Spinoza assure qu’elle ne l’est pas : ce sont des opinions, ni plus ni moins, et pourtant des pièces essentielles, et hautement argumentées, de leurs systèmes. Et même chose, bien sûr, des prétendues « preuves » de l’existence de Dieu, de la démonstration de l’immortalité de l’âme, ou de sa mortalité, de la croyance en l’infinité ou en la finitude de l’univers, du statut de la vérité, du fondement de la morale ou de la définition philosophique de l’opinion… À la gloire du pyrrhonisme. (Dictionnaire philosophique, A. Comte-Sponville) .

Système (politique, social, économique) dans lequel les avis des conseillers techniques (dirigeants, professionnels de l’administration) déterminent les décisions en privilégiant les données techniques par rapport aux facteurs humains et sociaux (d’ap. Foulq. Sc. soc. 1978); p. méton. le groupe social participant à ce système. (source)

Attitude consistant à considérer que toute connaissance ne peut être atteinte que par les sciences, particulièrement les sciences physico-chimiques, et qui attend d’elles la solution des problèmes humains. (source)

Auguste Comte a utilisé le terme de positivisme (1848), pour désigner sa philosophie et non les sciences, envers lesquelles il a manifesté une défiance croissante. Il les considérait comme des connaissances spéciales et limitées ne pouvant apporter une vue d’ensemble comme sa philosophie positive. […] On peut la résumer par deux traits : C’est un empirisme qui demande de s’en tenir aux faits et aux relations entre les faits, ces dernières pouvant être exprimées en termes de causalité ou, mieux, selon des lois. Deuxième trait, son optimisme envers la possibilité pour la science de connaître le monde et en conséquence, et grâce au savoir acquis, d’apporter des bienfaits à l’humanité. (source)

Doctrine selon laquelle l’expérience est la donnée première et la source de la connaissance. Empirisme logique. Orientation de la philosophie contemporaine qui emprunte à la science ses méthodes d’observation des faits et son esprit, condamnant ainsi tout recours à la métaphysique. (source)

La science, pour Popper, avance donc par essais et erreurs, par conjectures et réfutations. On imagine, on tente une expérience, ça marche, ça ne marche pas, on se demande pourquoi, on cherche et on y retourne. De là, le rapport que la science entretient avec la vérité est toujours celui d’une recherche. Une théorie n’est jamais vraie, elle tend à la vérité.

Pour lui, c’est donc bien l’erreur qui est porteuse de progrès. Car oui, la science progresse. Chaque difficulté rencontrée, chaque réfutation, nous éclaire ainsi sur le problème rencontré. De la sorte, les nouvelles théories ne sont pas « plus vraies », mais meilleures en ce qu’elles sont plus riches que les précédentes car nourries de leurs erreurs.

Toutefois, n’importe quelle théorie ne peut pas avoir la prétention d’être scientifique. Pour le falsificationnisme, le critère de scientificité d’une théorie réside dans sa possibilité logique d’être réfutable. C’est-à-dire, qu’il existe une possibilité que la loi, prédiction, théorie ne se réalise pas.

Dit plus simplement, pour qu’une théorie soit scientifique, elle doit pouvoir apporter quelque chose de nouveau, elle doit entrer dans ce cycle de conjectures et de réfutations et donc, elle doit pouvoir au moins être réfutée (même si elle ne le sera peut-être jamais).

Bien évidement, le raccourci : « c’est faux donc c’est de la science » est à proscrire. Le caractère « faux » (c’est-à-dire réfuté) implique une mise à l’essai de cette théorie. Cette théorie a été abandonnée car elle n’a pas résisté aux tests.

Ce qui est mis en cause par Popper, ce sont les théories qui « s’en sortent » toujours de par leur caractère vague, holiste. Popper a en vue la psychanalyse (et son fameux complexe d’Œdipe qui n’épargne personne), la psychologie individuelle d’Adler (et son complexe d’infériorité) ou encore le matérialisme historique de Marx (et la lutte des classes). L’horoscope en est un parfait exemple avec ses termes vagues comme « amour », « rencontre » etc.

Ensemble de cadres conceptuels, de théories, de concepts, d’a priori méthodologiques ou métaphysique. Le paradigme n’est pas que l’ensemble des théories, il est aussi la manière de poser les problèmes (source).

Voir critères de scientificité.

Séquence

Bientôt disponible.

D’ici peu (ce qui est relatif il faut l’avouer), vous trouverez une explication de la séquence Science et expertise. D’ici là, n’hésitez pas à consulter les fichiers, glossaire et les ressources. Vous y trouverez, sans doute, des informations inspirantes pour vos cours.

Philons vous propose deux séquences pour cette UUA… n’hésitez pas à scroller.

Quelques vidéos sur la science et l’expertise

Les paradigmes de Khun

Entretien avec Pierre Papon

Entretien avec Isabelle Stengers

Quelques idées de lecture