Comment reconnaître une science ? S’il semble évident par notre éducation et l’école que certaines disciplines sont scientifiques et d’autres non, la justification du caractère scientifique ou non des disciplines est, quant à lui, bien plus complexe. Que se passerait-il si nous avions la possibilité de décider ce qui est de la science ou non ? Réponse en Ostilvanie.

Durée estimée : Une à deux heures de cours pour la réalisation et la mise en commun.

Intention pédagogique : Reprenant le principe d’un jeu de rôle, il s’agira de :

  • faire émerger les représentations de la science et des critères de scientificité présents dans l’esprit des apprenants.
  • interroger le rapport entre science, puissance étatique et démocratie.
  • d’introduire et de donner du sens à une séquence sur l’épistémologie.

Matériel nécessaire : De grandes enveloppes A4 (une par groupe) et les feuilles suivantes à imprimer en plusieurs exemplaires.

Pour le moment, il n’existe que deux dossiers de demande de scientificité. D’autres sont prévus et seront mis en ligne l’année scolaire prochaine.

Mise en place et déroulement : L’atelier se présente comme un jeu de rôle où les apprenants incarnent des citoyens et des citoyennes de la République d’Ostilvanie. République démocratique dont on ne sait rien, l’Ostilvanie confie l’attribution du caractère scientifique des disciplines à des commissions citoyennes tirées au sort dont les apprenants font partie. Ils ont donc pour mission de déterminer si la République d’Ostilvanie doit reconnaître (comme science ou non les disciplines qui se présentent à eux sous forme de dossier (feuille 1 : Lettre de réquisition qui comprend les consignes de l’atelier. Cette lettre peut-être donnée en début de cours à chaque apprenant en entrant en classe sans autre consigne que sa lecture ou faire partie de l’enveloppe une fois les groupes formés).

Quand tous les apprenants sont répartis par commissions (groupes), ils reçoivent une enveloppe comprenant le document A-38 et les annexes qui lui sont jointes (prévoyez plusieurs copies d’annexe afin d’en faciliter la lecture et la découverte). La commission en prend alors connaissance et puis, selon la lettre de réquisition, délibère et motive sa décision par écrit.

Quand les commissions ont fini leur travail (première heure de cours), l’élève référent (désigné ou attribué par le professeur/animateur) rend le formulaire A-38 complété et signé avec la décision et la motivation de cette dernière.

Lors de la deuxième heure de cours, les différentes décisions sont lues et commentées en classe par les commissions afin d’observer les points de vue qui peuvent changer, les arguments avancés mais également afin de faire émerger et de synthétiser les idées reçues et autres représentations de la science qui ont contribué à l’atelier.

Lors de cette synthèse, le professeur/animateur pourra donner la véritable version des disciplines étudiées et faire remarquer les “pièges” glissés dans la formation des dossiers (on pense aux abus de langage qui usent de concepts inventés ou inutilement complexes ainsi que ceux prévus dans la sortie du dispositif cf. ci-dessous).

Sortie du dispositif :

Ce dispositif a été imaginé comme introduction problématisante à une séquence sur l’épistémologie et au rôle de la science dans les sociétés contemporaines. En ce sens, il permet d’embrayer selon trois axes développés dans le schéma ci-dessous.

Premier axe : le rapport science/société. Dans cet axe, nous pouvons mettre l’accent sur la relation qui unit la science en tant que somme de savoirs, la communauté scientifique en tant que groupe de recherche international où l’utilisation de protocoles de recherche permet une communication et une régulation qui échappe aux intérêts particuliers (idéalement) et la science en tant qu’elle est reconnue par un pouvoir souverain qui l’institue et la rend légitime sur son territoire (on pense notamment aux nouvelles sciences et aux disciplines qui n’ont pas toujours eu de reconnaissance comme l’ostéopathie).

Deuxième axe : Les critères de scientificité. Selon cet axe, il s’agira de définir les critères de démarcation entre science et pseudo-science ce qui peut être l’occasion d’une introduction à l’épistémologie et à certaines approches de la science telles que le falsificationnisme de Karl Popper, les paradigmes de Kuhn, l’anarchisme de Feyerabend ou encore la sociologie des sciences.

L’atelier a été d’ailleurs très clairement élaboré en ce sens puisqu’on retrouve dans la défense de la phrénologie une forme d’inductivisme naïf (les données particulières permettent l’élaboration par généralisation de théories scientifiques) et dans celle de la numérologie l’impossibilité de réfutation malgré une possibilité de vérification (ce que dénonce Popper).

Troisième axe : La place de la démocratie. Dans cette dernière approche, nous pouvons mettre au cœur de la réflexion le paradigme posé par l’Ostilvanie à savoir celui d’une décision citoyenne et démocratique du caractère scientifique d’une théorie. En ce sens, il s’agira d’interroger le rapport entre politique et science et de questionner (voire de problématiser) la nature même du savoir scientifique (Pierre Papon est ici un précieux allié).

Esprit de l’atelier : Malgré son côté ouvertement grotesque et assumant sa dimension de farce (oui, certains élèves risquent de mettre leur main devant leur visage pour voir s’ils sont des détraqués), l’atelier a, avant toute chose, une portée critique. En effet, il s’agit d’appliquer son esprit critique dans une fiction afin de révéler les critères sous-jacents que nous attribuons à la science. Esprit critique qui doit être doublement aiguisé pour à la fois relever les velléités de pseudo-sciences qui cherchent un gage de légitimité dans une approche faussement rigoureuse (numérologie), mais également pour interroger les dérives d’approches qui, partant d’éléments scientifiques (la phrénologie et son inventeur médecin qui n’a pas raconté que des bêtises dans sa carrière), oublient ce qui en fait la beauté et l’intérêt à savoir la recherche de vérités que l’on peut mettre à l’épreuve en sachant qu’il n’en existe pas d’ultime.

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