Vérité et pouvoir

Esprit de l’U.A.A.

Concept parmi les plus complexes de l’histoire de la philosophie, celui de vérité promet des heures de discussions passionnantes qui peuvent aller de la plus simple remarque sur un événement du quotidien au vertige des grandes questions métaphysiques ou logiques. Si l’on y ajoute la notion de pouvoir entendue dans un sens qui dépasse celui de simple autorité (comme autorité épistémique par exemple), on imagine difficilement comment on pourra aborder tant de complexité en si peut de temps. C’est donc peut-être ici dans une approche précise mais consciente qu’elle ne pourra pas être exhaustive que se trouve la clé de la réussite de cette séquence.

Faisant le deuil d’aborder toutes les notions demandées, il me semble préférable de sélectionner les éléments de réflexion afin de se permettre d’organiser un véritable conflit qui sera à même de révéler des enjeux contemporains. Ainsi, l’allégorie de la caverne de Platon délaisserait son manteau d’immanquable de l’histoire de la philosophie pour proposer une réflexion sur le rapport entre savoir et démocratie. Ou encore, à l’occasion d’une réflexion sur la fameuse phrase selon laquelle “chacun a sa vérité”, en profiter pour interroger l’effet de ce relativisme radical par rapport à la prise de décision collective, à la liberté d’expression, etc. Pris sous cet angle, les possibilités semblent sans fin sans devenir abyssales dans leur traitement.

Compétences

Problématiser le concept de vérité.

Il s’agira de monter en quoi le concept de vérité n’a rien d’évident et comment les différentes écoles de pensée peuvent se contredire.

Questionner les rapports entre la vérité et le pouvoir.

Il s’agira sur la base d’éléments tangibles et de situation concrètes, de montrer les liens et la nature de ceux-ci entre pouvoir et vérité.

Glossaire des notions

(Vérité-adéquation à la réalité) Tout le monde semble s’accorder depuis Thomas d’Aquin, au XIIIe siècle, pour définir la vérité comme correspondance ou adéquation : adéquation entre l’intelligence qui conçoit, entre l’esprit et la réalité. En d’autres termes, la proposition : il neige, par exemple, est vraie si et seulement si, en fait, il neige.

La vérité est donc une propriété du langage, non du réel. Vrai et faux sont des qualificatifs qui s’appliquent non pas à des choses mais à des propositions. On parle pourtant d’or faux, de vrai ami, etc. Mais l’or faux est tout aussi réel que l’or véritable. Seulement, ce n’est pas de l’or mais, par exemple, du cuivre doré. Ce qui est faux alors, c’est la proposition implicite : Ceci est de l’or

[…] Mais la théorie de la vérité-correspondance suscite elle aussi des difficultés. D’une part, l’idée de correspondance suppose que les faits auxquels nos propositions ou nos croyances doivent correspondre sont disponibles indépendamment de notre langage. Or, rien n’est moins sûr. Toute tentative de parler du monde n’en est-il pas déjà une interprétation ? (source : La philosophie de A à Z, dir. Hansen)

(Réalité) « Le mot « réalité », est un terme dont l’usage premier est attribué à Jean Duns Scott, de realis « réel », en ce sens qu’il désigne l’existence effective d’une chose et par extension tout ce qui est admis pour vrai.

Vérité-utilité (pragmatisme) […] certaines représentations qui nous permettent d’agir sur les choses et sur le monde et dont on retire une certaine efficacité peuvent être privilégiées et retenues « comme vérités ». Tel se définit le pragmatisme, qui vise l’action efficace, l’action qui réussit. C’est ainsi que William James  (1842-1901) affirme que « “le vrai“ consiste tout simplement dans ce qui est avantageux pour notre pensée » (Le Pragmatisme, 1-907). En ce sens, il nous faut acquérir seulement les vérités qui nous sont utiles, les vérités qui « servent ». (source : Le Bled philosophie).

[…] La vérité universelle et absolue n’existe pas ; il n’y a que des vérités partielles, utiles et relatives. Dans les sciences, par exemple, une théorie scientifique sera dite « vraie » par rapport à une autre non pas parce qu’elle découvre le réel, mais parce qu’elle est plus efficace pour faire des prédictions fiables et engendrer un progrès technique.  (source :Objectif BAC, Philosophie ; Hachette, 2017).

(Vérité-cohérence) Selon cette conception, une théorie scientifique, par exemple, sera dite vraie, non pas si elle correspond aux faits, mais si les propositions qui la constituent forment un ensemble cohérent, c’est-à-dire si elles sont compatibles entre elles. Cependant, la théorie de la vérité-cohérence semble difficile à soutenir : l’accord de la pensée avec elle-même est bien une condition nécessaire de la vérité (car on ne peut se contredire et énoncer une vérité) mais non une condition suffisante. Nos pensées peuvent être entre elles cohérentes et en contradiction avec la réalité. (source : La philosophie de A à Z, dir. Hansen)

[…] David Hume, dans son Enquête sur l’entendement humain (1748), distingue les vérités de fait et les vérités de raison. Les premières consistent dans l’adéquation entre nos jugements et l’expérience sensible du réel, et les secondes dans la cohérence logique de nos raisonnements, fondée sur le principe de non-contradiction :  « il pleut dehors » est une vérité de fait, « 15=30/2 » une vérité de raison, et un « un cercle carré », une contradiction. (source : Objectif BAC, Philosophie ; Hachette, 2017).

(Vérité comme prétention à la validité – Validité) Nom logique de la vérité, ou plutôt son équivalent formel.

Une inférence est valide lorsqu’elle permet de passer du vrai au vrai (de la vérité des prémisses à la vérité de la conclusion) ou lorsqu’elle est vraie quelle que soit l’interprétation qu’on en peut donner. On remarquera que la validité d’un raisonnement ne dépend pas de la vérité de ses conclusions, pas plus d’ailleurs que celle-ci ne dépend forcément de celle-là. Un raisonnement valide peut aboutir à une conclusion fausse (si l’une au moins de ses prémisses est fausse). C’est le cas, par exemple, du fameux sophisme du cornu : « Tu as tout ce que tu n’as pas perdu ; tu n’as pas perdu de cornes ; donc tu as des cornes » ; le raisonnement est valide, la conclusion est fausse (c’est que la majeure, quoiqu’on puisse ne pas s’en rendre compte immédiatement, l’est aussi). Et un raisonnement non valide, à l’inverse, peut aboutir à une conclusion vraie : « Tous les hommes sont mortels ; Socrate est mortel ; donc Socrate est un homme » est un raisonnement non valide. (source : Dictionnaire philosophique, A. Comte-Sponville)

Au sens logique, il faut distinguer la vérité d’une proposition, qui consiste dans l’accord entre ce qu’elle énonce et les faits qui la vérifient, et la validité d’un raisonnement, qui ne concerne que sa structure formelle. Un raisonnement peut être valide et porter sur des propositions fausses. Il peut, à l’inverse, être non-valide et énoncer des propositions vraies. Il est possible  de désigner la validité par l’expression vérité formelle et la vérité des propositions par vérité matérielle. (source : La philosophie de A à Z, dir. Hansen)

(Vérité-authenticité) La vérité sur soi (c’est être vraiment ce qu’on paraît être : un « document authentique »), ou de soi à soi (un « comportement authentique »). En ce dernier sens, c’est le contraire de la mauvaise foi. Un synonyme, donc, de la bonne ? Plutôt son nom moderne et quelque peu prétentieux. Les deux notions ne se recouvrent pas totalement. Être de bonne foi, c’est aimer la vérité plus que soi. Être authentique, pour beaucoup de nos contemporains, c’est plutôt aimer la vérité qu’on est, ou qu’on croit être. « Be yourself », dit-on outre- Atlantique. La psychologie remplace la morale ; le développement personnel tient lieu de religion. Je suis lâche, égoïste, brutal ? Sans doute, mais reconnaissez-moi au moins ce mérite de l’être authentiquement ! L’authenticité est une vertu confortable ; c’est ce qui fait douter qu’elle en soit une. C’est une bonne foi narcissique, ou un narcissisme de bonne foi. Mais la bonne foi n’excuse pas tout.

Chez les philosophes contemporains, spécialement chez Heidegger et les existentialistes, l’authenticité désigne plutôt le statut d’une conscience qui se sait solitaire (par opposition à l’inauthenticité du « on »), libre (par opposition à la mauvaise foi), enfin vouée à l’angoisse et à la mort – au néant. Beaucoup de bruit pour rien. (source : Dictionnaire philosophique, A. Comte-Sponville)

Quel que soit le type d’énoncé, s’il fait référence à une parole de Dieu ou des prophètes, il n’a de validité que si je crois en Dieu ou si j’ai une religion. On parlera ici d’un quatrième type de vérité ou de discours sur le monde, d’une « vérité révélée ». (source : C. Leleux , C. Rocourt J. Lantier, Education à la philosophie et à la citoyenneté)

(Révélation) Du latin revelatio, « action de laisser voir, de dévoiler ». Sens ordinaire : communication d’un secret, d’où : découverte soudaine. Théologie : Action par laquelle Dieu communique aux hommes (en général des élus) des vérités présentées comme inaccessibles par la voie de la raison et parfois contraires aux enseignements de celle-ci (mystères, miracles).

Le dogmatisme est le caractère de doctrines qui présentent leurs affirmations comme des vérités fondamentales, incontestables et intangibles, sans esprit critique. Le plus souvent dans le domaine politique ou religieux (dogmes), ces doctrines peuvent, dans certains cas, être imposées par la force. En philosophie, le dogmatisme affirme la possibilité, pour l’homme, d’aboutir à des certitudes, à des vérités. Il s’oppose au scepticisme.). (source)

Le terme scepticisme désigne l’attitude, la propension de personnes au doute et à la défiance vis-à-vis de ce tout qui n’est pas soumis à un examen critique, qui n’est pas prouvé de manière évidente ou indiscutable. Le scepticisme peut s’exercer à l’égard d’opinions, de valeurs, de croyances, d’idées reçues ou couramment admises, de la véracité de certains faits, de la réussite d’un projet ou d’une proposition quelconque, etc. En philosophie, le scepticisme est un mouvement philosophique qui érige le doute en système de pensée et ne croit pas en la possibilité d’atteindre avec certitude la connaissance et la vérité. Il n’affirme rien et garde sur chaque chose la “suspension du jugement”. Pyrrhon d’Elis (360-270 av. J.-C.) est considéré comme le fondateur de cette philosophie. (source)

(Connaissance) Du latin cognitio, « action d’apprendre ». Sens ordinaire et philosophique. Activité par laquelle l’homme prend acte des données de l’expérience et cherche à les comprendre ou à les expliquer.

La connaissance est en elle-même une activité théorique et désintéressée, c’est-à-dire satisfaisant un pur désir de savoir, sans souci de son utilité pratique. C’est pourquoi il est habituel de la distinguer de l’action. On conçoit cependant d’ordinaire qu’une connaissance, même désintéressée, permet une action efficace. (La philosophie de A à Z, dir. Hansen)

(Opinion) Toute pensée qui n’est pas un savoir. S’oppose pour cela, spécialement, aux sciences. C’est ce qui faisait écrire à Bachelard, en un texte fameux : « L’opinion pense mal ; elle ne pense pas : elle traduit des besoins en connaissances » (La Formation de l’esprit scientifique, I). C’est forcer trop l’opposition. D’abord parce que les opinions jouent un rôle aussi dans les sciences en train de se faire, et qui n’est pas seulement celui d’obstacle épistémologique (mais aussi d’idée régulatrice, d’hypothèse vague, d’orientation provisoire et tâtonnante…). Ensuite parce qu’il y a des opinions droites, comme Platon le soulignait déjà, lesquelles, pour insuffisantes qu’elles demeurent, sont légitimement tenues pour vraies. Enfin, et surtout, parce qu’une opinion pensée, réfléchie, théorisée, n’en reste pas moins opinion pour autant : la philosophie en est pleine. Par exemple, quand Descartes affirme que la volonté est libre ou quand Spinoza assure qu’elle ne l’est pas : ce sont des opinions, ni plus ni moins, et pourtant des pièces essentielles, et hautement argumentées, de leurs systèmes. Et même chose, bien sûr, des prétendues « preuves » de l’existence de Dieu, de la démonstration de l’immortalité de l’âme, ou de sa mortalité, de la croyance en l’infinité ou en la finitude de l’univers, du statut de la vérité, du fondement de la morale ou de la définition philosophique de l’opinion… À la gloire du pyrrhonisme. (Dictionnaire philosophique, A. Comte-Sponville)

Le relativisme épistémique ou gnoséologique affirme la relativité de toute connaissance : nous n’avons accès à aucune vérité absolue. C’est le contraire du dogmatisme théorique. Un scepticisme ? Pas forcément, puisqu’une connaissance relative n’en est pas moins connaissance pour autant, et peut même, au moins dans son ordre, être considérée comme certaine. Montaigne ou Hume sont assurément relativistes, en ce sens ; mais Kant, qui n’était pas sceptique, l’est également, comme d’ailleurs, aujourd’hui, la plupart de nos savants. C’est l’un des résultats paradoxaux de la physique quantique. Mieux ils connaissent le monde, moins ils ont le sentiment de le connaître absolument. (Dictionnaire philosophique, A. Comte-Sponville)

(relativisme) 1. Conception affirmant que la vérité est relative aux individus (elle était prônée au Ve siècle avant J.-C. par le sophiste Protagoras et l’école sceptique, qu’il a influencée). 2. Affirmation de l’impossibilité d’une connaissance absolue des principes et des causes premières, la science véritable se contentant du relatif, c’est-à-dire d’établir par observation les relations entre les phénomènes (thèse du positivisme d’Auguste Comte). (La philosophie de A à Z, dir. Hansen)

Lorsqu’une vérité devient définitive, elle n’est plus interrogée. Le risque est alors grand qu’elle se transforme en dogme. Or ce qui est dogmatique annihile le sens critique ce qui peut nuire à l’intelligence de la vérité. Si l’on reprend le cas des vérités religieuses, l’histoire révèle que leur caractère sacré « déteint » sur les institutions qui en transmettent la mémoire. Les interprétations des Écritures acquièrent force de loi de sorte que dans bien des religions la tradition devient aussi intouchable que la Parole originaire.

[…]

Ce problème d’une tradition toute puissante est aussi celui que rencontre l’historien dans son travail sur les témoignages relatifs aux faits historiques. Certes, un événement a bien eu lieu mais comment parvient-il jusqu’à nous ? La tâche de l’historien n’est-elle pas de relire les faits en donnant, comme le veut Walter Benjamin, la parole aux vaincus pour mieux interpréter ce qui a vraiment eu lieu ? […] Pour l’historien, les vérités définitives sont suspectes et c’est pourquoi on continue à écrire des biographies sur les hommes célèbres en proposant une autre lecture, plus éclairée, des événements vécus.

La science elle-même n’échappe pas aux préjugés. Comme le dit Bachelard dans La formation de l’esprit scientifique, « les idées, à l’usage, se valorisent indûment ». Un acquis scientifique peut devenir un « obstacle épistémologique » et bloquer le progrès de la recherche dans la mesure où on s’interdit d’autres hypothèses alternatives à celles dont on ne voit pas qu’elles ont épuisé leur fertilité. Ainsi les géométries non euclidiennes apparues au XIXe siècle ont dû surmonter la résistance de l’évidence du 5e postulat des Éléments d’Euclide selon lequel par un point extérieur à une droite ne passe qu’une parallèle à cette droite.

(source : Philomag, https://www.philomag.com/bac-philo/copies-de-reves/toute-verite-est-elle-definitive-28265)

Séquence

Bientôt disponible.

D’ici peu (ce qui est relatif il faut l’avouer), vous trouverez une explication de la séquence Vérité et pouvoir. D’ici là, n’hésitez pas à consulter les fichiers, glossaire et les ressources. Vous y trouverez, sans doute, des informations inspirantes pour vos cours.

Quelques vidéos sur la vérité et le pouvoir

Sur la vérité

Sur la propagande

Toute la vérité sur le mensonge

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