Stéréotypes, préjugés et discriminations

Esprit de l’U.A.A.

Par son titre même, il est aisé de comprendre que cette U.A.A. porte sur les sujets dits “sociétaux” en lien avec les minorités et leur exclusion de la société ou d’une partie de celle-ci. Pour mener à bien cette U.A.A., il semble important de s’appuyer sur des éléments théoriques solides (notamment sur les concepts invoqués) en fonction du sujet abordé. De même, en fonction de celui-ci, de nombreuses associations, asbl ou sources extérieures peuvent venir compléter et renforcer le travail fait en classe, il ne faut donc pas hésiter à les contacter.

Précision : S’il semble évident que le cours de philosophie et citoyenneté est certainement le mieux armé pour traiter ces sujets en rendant les élèves actifs, la lutte contre les discriminations est l’affaire de l’école dans sa globalité. A moins d’un souhait de la part du ou de la professeur, nous n’avons pas à être désigné automatiquement comme LE ou LA référente de ces questions à l’école. Ce sont des questions complexes qui ne peuvent être supportées par une personne seule surtout si elle ne se sent pas capable ou ne s’est pas formée à ces problématiques. Toutefois, on ne peut nier, que ce soit par le programme ou l’esprit du CPC, le caractère pertinent voire privilégier de notre cours pour entamer ce travail de conscientisation, révélation, accompagnement, etc. Alors que faire ? On peut envisager les choses suivantes :

Pour son cours : Se former (sur son temps libre ou lors des formations IFPC), entrer en contact avec des asbl spécialisées, participer à des manifestations culturelles sur ces thématiques où une rencontre avec les acteurs/responsables est prévue, entrer en contact avec des professeurs de CPC qui ont l’habitude de travailler ses thématiques (ce groupe facebook en regorge), travailler avec une autre discipline (français, science sociale, historie, etc.).

Pour l’école : Se former (sur son temps libre ou lors des formations IFPC), entrer en contact avec des asbl spécialisées, s’assurer d’une réelle implication de la part de la direction (qui ne peut se contenter d’un cahier des charges), réunir une équipe pédagogique motivée autour de ces questions afin d’organiser des événements qui touchent toute l’école et de diviser le travail.

Compétences

Questionner les stéréotypes et préjugés qui orientent nos modes de vie et nos choix de vie.

Il s’agira essentiellement de montrer l’impact et l’influence des préjugés et des stéréotypes sur nos représentation du monde et leurs conséquences sur nos actions ou inactions.

Justifier une prise de position éthique relative à une question de discrimination.

Il s’agira, à partir de situations concrètes, de les analyser et de prendre de position de manière éclairée quant à la résolution des problèmes qu’elles impliquent.

Glossaire des notions

Idée, opinion toute faite, acceptée sans réflexion et répétée sans avoir été soumise à un examen critique, par une personne ou un groupe, et qui détermine, à un degré plus ou moins élevé, ses manières de penser, de sentir et d’agir. (source)

Opinion à priori favorable ou défavorable qu’on se fait sur quelqu’un ou quelque chose en fonction de critères personnels ou d’apparences. (source)

La discrimination est le traitement injuste ou inégal d’une personne sur base de caractéristiques personnelles. La législation antidiscrimination condamne tant la discrimination que le harcèlement, le discours de haine ou les délits de haine envers une personne ou un groupe de personnes. Elle définit non seulement des différentes formes de discrimination, mais aussi les caractéristiques personnelles prises en compte. On les appelle les « critères protégés ». (source

La législation belge pose un principe général interdisant la discrimination directe et indirecte des personnes sur base, entre autres, du sexe, de l’âge, de l’origine ethnique ou nationale, de la conviction religieuse ou philosophique, de l’orientation sexuelle, du handicap, etc. (source)

La « discrimination positive » est un principe : il s’agit d’instituer des inégalités pour promouvoir l’égalité, en accordant à certains un traitement préférentiel. On espère de la sorte rétablir une égalité des chances compromise par deux phénomènes : la généralisation ou la persistance de pratiques racistes ou sexistes d’une part, une accentuation des inégalités socio-économiques d’autre part. (VILLENAVE Baptiste, « La discrimination positive : une présentation », Vie sociale, 2006/3 (N° 3), p. 39-48. DOI : 10.3917/vsoc.063.0039. URL : https://www.cairn.info/revue-vie-sociale-2006-3-page-39.htm)

La notion de « plafond de verre » renvoie au fait que les femmes peuvent progresser dans la hiérarchie de l’entreprise mais seulement jusqu’à un certain niveau. Résultat : elles sont en grande partie absentes du sommet de la hiérarchie. À noter que les femmes se heurtent au plafond de verre aussi bien dans le secteur privé que dans la fonction publique mais également dans bien d’autres domaines : syndicats, fédérations patronales, ONG, autorités académiques, partis politiques, etc. (source)

Remarque : dans les faits, le plafond de verre n’est pas nécessairement une notion exclusive à la situation des femmes.

Tous les hommes sont égaux en droits et en devoirs (d’où dérive qu’ils sont libres, c’est-à-dire qu’aucun ne saurait assujettir un autre sans contrevenir à ce principe d’égalité*) ; cela signifie que tout homme a théoriquement la capacité de comprendre également les principes fondamentaux à partir desquels des êtres égaux en dignité et en valeur peuvent et doivent organiser leur vie en commun – qu’on appelle cette capacité raison, intérêt bien entendu ou qu’on lui donne quelque nom que ce soit. (source : François Galichet, L’éducation à la citoyenneté, Paris, Anthropos, 1998, pp.14-150.)

*Pour l’auteur c’est donc bien l’égalité qui fonde la liberté et non l’inverse.

L’égalité des chances est une vision de l’égalité qui cherche à faire en sorte que les individus disposent des “mêmes chances”, des mêmes opportunités de développement social, indépendamment de leur origine sociale ou ethnique, de leur sexe, des moyens financiers de leurs parents, de leur lieu de naissance, de leur conviction religieuse, d’un éventuel handicap, etc (source)

L’égalité en dignité est un principe consacré par la DUDH qui considère la dignité humaine comme inhérente à la condition humaine (c’est-à-dire attribué dès la naissance sans besoin d’une acquisition quelconque). La dignité suppose en ce sens à la fois un respect dû aux individus, mais également un souci des conditions de vie qui doivent comporter un minimum de “confort”.

Texte clé : Considérant que la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde. (source)

L’identité de genre fait référence au genre auquel une personne s’identifie. Selon les situations ou les moments, une personne peut s’identifier au genre assigné à la naissance ou pas. (source)

L’orientation sexuelle fait référence à la capacité de chacun-e de ressentir une attirance émotionnelle, affective, physique et/ou sexuelle envers des individus du même sexe et/ou d’un autre sexe (hétérosexuel-le, lesbienne, gay, bisexuel-le). (source)

Atelier

Petite attention : Bien qu’il ne soit jamais bon qu’un professeur se censure ou évite certains sujets au nom d’intérêts particuliers, il me semble devoir signaler que cette séquence liée à l’apparence physique peut clairement être inadéquate si nous avons et remarquons de manière visible des élèves souffrant d’un trouble alimentaire compulsif comme par exemple : l’anorexie mentale. Il ne s’agit pas de s’interdire pour ne pas “heurter”, il s’agit de s’interdire pour aider. A ce sujet, la fin de cette vidéo est très éclairante.

Séquence : En guise d’accroche

Pour débuter cette séquence essentiellement basée sur les stéréotypes, les préjugés et la discrimination liés aux caractéristiques physiques, nous plaçons les élèves dans le rôle d’un recruteur qui doit remplir une mission bien précise : embaucher trois personnes pour des postes qui demandent des compétence spécifiques. Pour ce faire, ils ont à disposition des fiches personnages qui leur permettent de voir les forces des différents candidats.

Tant les postes que les candidats sont élaborés de manière à ce qu’il y ait toujours deux prétendants aux compétences identiques qui conviennent à un poste précis. De ce fait, c’est sur la base de cette différenciation (qui se rencontre le plus souvent) que nous pourrons amener le groupe à échanger sur les raisons des choix d’un candidats plutôt que d’un autre. Nous passons donc par une phase de mise en commun afin de visualiser (il faut donc faire le tableau au tableau pour bien se le représenter) qui a été embauché et pour quel rôle.

Loin de se concevoir comme un “piège tendu” pour révéler les belles âmes, l’intérêt de cette accroche est de faire verbaliser les raisons des choix de façon à ce que les éléments non-arbitraires soient mis en avant. D’expérience, il apparait que les “beaux” sont choisis quand ils sont en contact avec les clients. Tout l’intérêt alors n’est pas de condamner apriori cet état de fait (nous sommes au début de la séquence) mais bien d’en interroger la légitimité.


Premier arrêt : Définition du préjugé et du stéréotype

Après l’exercice pratique de l’entretien d’embauche, nous introduisons les deux définitions centrales de l’U.A.A. à savoir : le stéréotype et le préjugé. On veillera lors de la présentation de ces notions à bien montrer la différence entre les deux (notamment sur le fait que le préjugé vise quelque chose de particulier et qu’il se nourrit généralement de stéréotypes). On pourra également insister sur le fait que préjuger est un acte naturel, ce qui ne veut pas dire toujours moralement acceptable et qui est aussi très peu fiable pour élaborer des connaissances. Dire qu’il ne faut pas avoir de préjugés ou qu’il ne faut pas préjuger, revient en somme à dire qu’il ne faut pas se fier aux premières idées qui nous viennent spontanément en tête.


Transition : Miss Corée du sud

Pour montrer comment nos prédispositions mentales peuvent influencer notre perception de la réalité, nous tendons un gentil piège aux élèves en leur demandant de retrouver les deux mannequins identiques dans l’ensemble des photos. Au-delà des remarques qui risquent de sortir comme “elles se ressemblent toutes car elles sont asiatiques” (ce qui nous permet également d’aborder la raison de notre perception comme identique : Est-ce le cas ? Est-ce par manque d’habitude ?), il sera intéressant de rendre visible les différents avis des élèves afin de montrer que tous ne perçoivent pas la situation de la même manière.

On révèlera ensuite l’astuce, elles sont toutes différentes, il n’y a pas de mannequin qui apparait deux fois. Aspect “interpellant”, il s’agit en fait des candidates de Miss Corée du sud 2013. Cette révélation nous permettra de dépasser le simple constat “fun fact” pour entrer dans une recherche plus approfondie sur l’origine de ces critères de beauté très précis dans la société coréenne.


Deuxième arrêt : Une société stéréotypée

Précision : Sans être devenus obsolètes, les documents utilisés ici datent d’avant le raz-de-marrée K-pop. Des actualisations sont en ce sens possibles et plusieurs élèves peuvent s’avérer de précieuses ressources sur la pratique de la chirurgie esthétique dans la K-pop.

Dans cette partie, nous aborderons de manière classique l’analyse des documents en veillant à bien montrer en quoi la beauté est devenue un critère de sélection supplémentaire pour départager des étudiants surdiplômés. Cette précision aura son importance car elle permettra, encore une fois, d’interroger la légitimité de ce critère de sélection dans ce cadre là par rapport à d’autres cadres.

Ainsi, loin de nous refuser à toute approche critique des critères de beauté, il semble important de montrer en quoi il sont problématiques. Le plus souvent, il s’agira de faire éclore la notion de discrimination sauf que, comme on le voit dans le cas de la Corée du sud, penser en termes de beau et de moins beau ne suffit pas, il faut faire intervenir des agents indirects comme, par exemple, la capacité financière qui donne accès à cette beauté.


Transition : Le corps idéal

Toujours dans le but de faire apparaitre les représentations sous-jacentes et d’interroger leur origine, nous soumettrons les élèves à l’échelle des silhouettes de V. Swami et J.-M. Smith. Ce sera l’occasion de discuter sur nos représentation et leurs origines.

Ici l’idée est de faire la moyenne de la silhouette considérée comme idéale afin de les confronter à la silhouette moyenne. En Europe de l’Ouest, l’étude montre que la moyenne idéale est aux alentours de 4 alors qu’en réalité elle de 7. A l’instar de la Barbie de la dernière page, il apparait que l’exposition aux images fausse la représentation que nous avons des corps (sachant que l’échelle présentée ne donne aucune silhouette atteinte d’obésité, seulement de léger surpoids).

Pour en savoir plus, voir J.-F. Amadieu, La société du paraître aux éditions Odile Jacob.


Troisième arrêt : L’influence des images

Pour conclure la séquence, nous abordons plus spécifiquement les images et le rôle qu’elles jouent dans la production de stéréotypes. Ici il s’agira essentiellement de présenter quelques figures comme Erwin Goffman ou Francine Descarries dans l’optique d’appliquer leurs outils à des objets concrets comme des affiches publicitaires. Selon cette idée, il s’agira de retrouver les éléments de la grille de lecture de Francine Descarries en étant précis. Ce sera également l’occasion d’introduire les élèves à la notion de tendance marketing et de montrer comment des représentations sous-jacentes guident la manière de faire de la publicité et de communiquer. On pense notamment à la vague dite “porno-chic” qui était à la mode au début des années 2000.

Pour appuyer la révélation de cette influence entre image publicitaire sur nos représentations, un petit détour par la plus célèbre des poupées et de ses proportions hors-normes permettra de montrer comment l’exposition à des corps idéalisés et “impossibles” abîme notre approche de la normalité. Par exemple, il n’est pas rare que des élèves trouvent que la poupée de Lamm est une “petite rondelette” alors qu’elle est parfaitement dans les standards médicaux (mais face à Barbie… que peut-on faire ?)

Ainsi, cette dernière partie aura pour but de montrer cette influence, mais surtout d’insister sur le fait qu’il ne suffit pas d’être conscient du caractère factice et “anormal” de ces images pour ne plus être influencé. Et c’est de cet aveu d’humilité que peu naître un début de changement plutôt qu’un renvoie à la responsabilité individuelle de “ne pas se laisser influencer ou de ne pas se laisser atteindre”. Chose que montrent très bien les trois vidéos mises à disposition des élèves.

Quelques vidéos sur les discriminations et les préjugés

Entretien de la série Méta de choc

Jean-François Amadieu sur le paraître

Une capsule sur la discrimination

Quelques idées de lecture