Pour bien comprendre l’utilité de cet ensemble de ressources, il est fondamental d’aller lire cet article sur le dispositif d’enquête espagnole.

Pour rappel, l’enquête espagnole est un dispositif durant lequel les apprenants (après avoir découvert et travaillé un document choisi spécifiquement pour chacun d’eux) échangent deux par deux les informations de leur document. Quand tous ont échangé avec tout le monde, ils doivent formuler individuellement une question qui serait le début d’une problématisation éclairée par les documents travaillés.


Question envisagée / Questions posées

Ci-dessus, la question envisagée par le professeur et celles formulées par les membres du groupe (adolescents et adolescentes d’environ 17 ans à l’occasion du cours de philosophie et citoyenneté heure optionnelle).

Documents

Textes philosophiques

Doc. 1

Or, penser la nature comme une donnée fixe et nécessaire, c’est bien souvent renfermer les individus dans un destin, les privant d’horizon possible. C’est ainsi à juste titre que l’autorité d’un certain discours naturalisant sur les rôles sexués dans la sphère privée a pu être remise en cause notamment par les féminismes de la deuxième vague. Il s’agissait de penser la dissociation entre capacités biologiques spécifiques à la femme et destinées individuelles, par exemple en défendant l’idée selon laquelle le fait de pouvoir devenir mère n’induit pas l’obligation ou la fatalité de devenir mère. La contraception et l’IVG étaient considérées comme des moyens d’approprier son destin biologique pour le ramener dans la sphère du choix, pour le maîtriser.

Certes, le corps a toujours été l’objet de tentatives de maîtrise, à travers les arts « gymnastique », « diététique » ou encore médical. Mais il reste que la maîtrise de la procréation – c’est-à-dire à la fois les connaissances liées aux processus procréatifs et l’ensemble de techniques permettant de faire de la procréation un choix délibéré – représente un tournant historique majeur du point de vue de la notion de « nature ». Au fur et à mesure des progrès de la technique, le versant contraignant de la « nature » semble s’étioler ; la technique ouvre des possibilités et des horizons nouveaux dans de nombreux domaines touchant la sexualité, de la prévention de la grossesse à la réassignation du genre en passant par les traitements de l’infertilité. Les progrès de la technique semblent ainsi confirmer ce que suggère tout un pan de la philosophie moderne, à savoir que la catégorie même de « nature » ne servait qu’à dissimuler, sous couvert d’objectivité sinon de scientificité, des doctrines normatives. Si la nature elle-même peut être contrainte, façonnée, fabriquée, qu’en reste-t-il ?

CRYSTAL CORDELL PARIS, Pourquoi encore le féminisme ? Pour une éthique du libre choix, Fontaine, Presses universitaires de Grenoble, 2017, pp. 66-68.


Doc. 2

L’Homo sapiens a néanmoins capitalisé et transformé, comme il sait si bien le faire, les comportements culturels et sociaux développant leur logique propre. La beauté des femmes est aussi recherchée par les hommes pour d’autres raisons que la recherche inconsciente et biologiquement ancrée de femmes fertiles. À cet objectif évolutionnaire s’est greffé un motif culturel, répondant aux attentes de la nature, que l’on pourrait nommer dynamique du trophée. Comme nous l’avons vu, la beauté, chez les deux sexes, est devenue un avantage sélectif en soi, recherché car susceptible d’engendrer une progéniture elle-même attractive – la sélection utilise comme véhicule, entre autres, « une attractivité de l’attractivité ». Ainsi, l’existence de parures mâles chatoyantes, spectaculaires et mêmes handicapantes, comme la queue du paon, s’explique de cette manière, malgré le désavantage évolutif que ces parures représentent vis-à-vis des prédateurs. On peut imaginer que la beauté des femmes est devenue un objet recherché en lui-même chez l’Homo sapiens pour les mêmes raisons, qu’il faut conjuguer à un ressort culturel ancré dans la nature : la rivalité entre mâle pour la domination des femelles, et les combats qui peuvent en découler. Les femmes belles sont recherchées comme trophée social parce que leur beauté témoigne justement de la capacité du mâle à acquérir les femelles belles, ce qui le valorise en soi vis-à-vis des mâles comme des femelles.

Les hommes recherchent les femmes belles parce que, pour les motifs vus ci-dessus, celles-ci constituent des signes de réussite sociale. Le succès d’un homme est notoirement évalué par l’attractivité de la femme ou des femmes qui l’accompagnent. L’homme au bras d’une jolie jeune femme peut être plus laid ou plus vieux ; mais son trophée parlera pour lui, et signifiera à tous – rivaux masculins ou proies féminines en puissance – qu’il est un homme à succès. Mieux (ou pire) : plus son physique et son âge paraîtront en décalage avec la jeunesse et la beauté de son accompagnatrice, plus ses traits charismatiques de leader s’en trouveront soulignés, puisque c’est précisément, comprendra tout un chacun, grâce à des attraits non plastiques qu’il a pu séduire cette femme – demandez à Donald Trump. Or de telles compétences relèvent nécessairement du statut social. C’est la raison pour laquelle le sugar daddy lambda est généralement décomplexé sur le sujet, et n’aura guère de problème à promener ses conquêtes ni à assumer un passé de séduction ; les critiques qu’il encaissera seront aisément interprétées par son ego en marques de jalousie et d’envie, dont il nourrira sa propre satisfaction.

FRANÇOIS DE SMET, Eros capital, Les lois du marché amoureux, Paris, Flammarion, Climats, 2019, pp. 154-155.


Doc. 3

Ainsi, la passivité qui caractérisera essentiellement la femme « féminine » est un trait qui se développe en elle dès ses premières années. Mais il est faux de prétendre que c’est là une donnée biologique ; en vérité, c’est un destin qui lui est imposé par ses éducateurs et par la société. L’immense chance du garçon, c’est que sa manière d’exister pour autrui l’encourage à se poser pour soi. Il fait l’apprentissage de son existence comme libre mouvement vers le monde ; il rivalise de dureté et d’indépendance avec les autres garçons, il méprise les filles. Grimpant aux arbres, se battant avec des camarades, les affrontant dans des jeux violents, il saisit son corps comme un moyen de dominer la nature et un instrument de combat ; il s’enorgueillit de ses muscles comme de son sexe ; à travers jeux, sports, luttes, défis, épreuves, il trouve un emploi équilibré de ses forces ; en même temps, il connaît les leçons sévères de la violence ; il apprend à encaisser les coups, à mépriser la douleur, à refuser les larmes du premier âge. Il entreprend, il invente, il ose. Certes, il s’éprouve aussi comme « pour autrui », il met en question sa virilité et il s’ensuit par rapport aux adultes et aux camarades bien des problèmes. Mais ce qui est très important, c’est qu’il n’y a pas d’opposition fondamentale entre le souci de cette figure objective qui est sienne et sa volonté de s’affirmer dans des projets concrets. C’est en faisant qu’il se fait être, d’un seul mouvement. Au contraire, chez la femme il y a, au départ, un conflit entre son existence autonome et son « être-autre » ; on lui apprend que pour plaire il faut chercher à plaire, il faut se faire objet ; elle doit donc renoncer à son autonomie. On la traite comme une poupée vivante et on lui refuse la liberté ; ainsi se noue un cercle vicieux ; car moins elle exercera sa liberté pour comprendre, saisir et découvrir le monde qui l’entoure, moins elle trouvera en lui de ressources, moins elle osera s’affirmer comme sujet ; si on l’y encourageait, elle pourrait manifester la même exubérance vivante, la même curiosité, le même esprit d’initiative, la même hardiesse qu’un garçon. C’est ce qui arrive parfois quand on lui donne une formation virile ; beaucoup de problèmes lui sont alors épargnés. Il est intéressant de noter que c’est là le genre d’éducation qu’un père dispense volontiers à sa fille ; les femmes élevées par un homme échappent en grande partie aux tares de la féminité. Mais les mœurs s’opposent à ce qu’on traite les filles tout à fait comme des garçons.

SIMONE DE BEAUVOIR, Le deuxième sexe, tome 1, Paris, Gallimard, collection Idées N°152 , 1949, pp. 303-304.


Articles de presse

Doc. 4

L’explicitation de la stratégie du mouvement [Femen] s’impose comme un des rouages de la conception de l’émancipation féminine élaborée par la presse à son sujet. Les seins nus se donnent alors à voir comme le fruit d’une action « consciente », « choisie ». Ils sont expressément érigés en manifestation ultime de l’affranchissement de la domination masculine : pour les Femen, ils sont symboles de liberté – « Le topless […] c’est d’abord une façon de dire : “Je suis libre, je n’ai plus de complexes !” » (Le Monde, 7 mars 2013) –, de réappropriation du corps et de déstabilisation du patriarcat. Un tel discours participe à créer l’image d’un féminisme défini comme « moderne » et « pop », en tant qu’il fait un usage tactique et décomplexé du corps dénudé, et s’oppose à des ennemis – le régime ukrainien, l’Église catholique – dépeints par la presse et les Femen comme rétrogrades et sexistes. La rhétorique du choix a néanmoins des effets ambivalents : elle semble autoriser et légitimer le regard sexualisant des journalistes, en dédouanant ces derniers de la responsabilité de conforter un certain sexisme (McRobbie, 2009). Ce regard se manifeste dans les descriptions laudatives des militantes, alors renvoyées à des attributs physiques – Inna Shevchenko se voit présentée comme une « frêle jeune femme, le visage encadré par de longs cheveux blonds, aux yeux d’un vert profond » (Aujourd’hui en France, 24 mars 2003) – et dans leur érotisation parfois explicite, à l’instar de cet article des Inrockuptibles (10 sept. 2012) évoquant la « moue boudeuse » d’Oksana Chatchko « allongée nonchalamment dans un coin du deux pièces qui fait office de QG ». Ces portraits rendent compte de la production d’un univers fantasmé, mobilisant l’imaginaire d’une sexualité mystifiée, propre au stéréotype de la féminité ukrainienne. Ils révèlent aussi les conditions d’accès à la publicité du mouvement : la circonscription de l’émancipation à l’action dirigée contre un ennemi spécifique, ouvertement sexiste et socialement disqualifié, par des femmes répondant à un modèle de féminité hégémonique valorisé dans les médias.

Dalibert Marion, Quemener Nelly, « Femen, l’émancipation par les seins nus ? », Hermès, La Revue, 2014/2 (n° 69), p. 169-173. DOI : 10.3917/herm.069.0169. URL : https://www.cairn.info/revue-hermes-la-revue-2014-2-page-169.htm

Variation


Doc. 5

Article et vidéo ARTE – Twerker pour résister


Doc. 6

Frédéric Taddeï – Du côté de la biologie ou du côté de la construction ? Si on a un décolleté, est-ce qu’on joue avec des caractères sexuels secondaires que la biologie nous a fournie ou est-ce qu’on joue avec des constructions que la société a empilées sur chacun d’entre nous ?

Sonia Feertchak – Je vais vous embêter, mais les deux. C’est-à-dire que là où je suis d’accord avec Camille [intervenante dans le débat], c’est en ce que les femmes ont historiquement toujours été coupables des désirs qu’elles suscitent et les hommes jamais responsables de ce qu’ils éprouvent. Ce sera bien de changer cela. Mais après, la question qu’il faudrait poser c’est, pour l’instant les seins ont le statut des mollets au XVIIIe siècle, les montrer c’est de la sexualité, […] mais on peut imaginer une société où les femmes se baladeront seins nus et où plus personne n’y fera attention, comme les hommes sont torse nu. Là-dessus, il y a quelque chose de culturel.

Après, là où je suis d’accord avec Peggy [autre intervenante du débat], surtout quand on parle des ados, il y a quelque chose d’hormonale qui se passe, il y a le fait de découvrir le désir, les désirs du corps de l’autre, les garçons regardent les corps des filles avec concupiscence, c’est une découverte pour eux. […]

Je suis d’accord qu’il faut que les hommes apprennent de plus en plus à respecter les femmes, mais on ne pourra pas tout de suite empêcher et ce n’est pas bien d’empêcher ce regard de désir. Il faut à la fois protéger et instruire les jeunes filles. Le problème c’est que cette interdiction du crop-top qui voudrait les protéger, elle est perçue comme une volonté de dominer encore une fois le corps des femmes.

Interdit d’interdire du 20 octobre 2020, Retranscription JD Oste, https://www.youtube.com/watch?v=Lvvc1qlSF8I


Doc. 7

LE MUSÉE D’ORSAY LUI REFUSE L’ENTRÉE À CAUSE DE SON DÉCOLLETÉ

Ce mardi 8 septembre, une jeune femme s’est vue refuser l’entrée du musée d’Orsay à Paris, sous prétexte qu’elle portait un décolleté trop plongeant.
Sur Twitter, une jeune femme a publié une lettre ouverte dans laquelle elle dénonce la manière dont les agents de sécurité du musée d’Orsay à Paris l’ont discriminée pour sa tenue estivale ce mardi 8 septembre.
La jeune femme est recalée à l’entrée par une agente de sécurité du musée chargée de gérer la file du contrôle des réservations. L’agente lui aurait dit “ah non ça ne va pas être possible ça, ce n’est pas possible ça ne passera pas” en fixant son décolleté. Jeanne se retrouve alors face à plusieurs agents de sécurité qui lui expliquent que selon les règles, la jeune femme n’est pas autorisée à entrer dans le musée dans une “telle tenue”. Jeanne demande à lire ces règles mais aucune explication claire ne lui est fournie. “Si on doit afficher chaque règle on ne va pas s’en sortir” obtient-elle en guise de réponse. La seule condition pour qu’elle puisse rentrer dans le musée est de se couvrir la poitrine avec une veste. Jeanne finit par obtempérer tout en signalant qu’il est “antidémocratique de me discriminer sur la base d’un décolleté.” L’amie qui accompagne Jeanne souligne alors le fait qu’on voit son nombril et qu’à elle personne ne lui dit rien.
La jeune femme est alors envahie par un sentiment de honte : “J’ai l’impression que tout le monde regarde me seins, je ne suis plus que mes seins, je ne suis qu’une femme qu’ils sexualisent.” Une fois à l’intérieur du musée, Jeanne vite encore plus mal la discrimination dont elle vient d’être victime. En effet, elle croise des visiteurs en marcel, des femmes en dos nus, en brassières, en crop top… “mais toutes minces et avec très peu de seins. Je me demande si on m’aurait laissée entrer sans éclats si j’avais porté certaines tenues de ces femmes que j’ai croisées.” Jeanne souligne également que parmi les œuvres visibles au musée d’Orsay il y a énormément de tableaux de femmes nues, de sculptures de femmes nues et d’artistes prôné.es comme engagé.es. C’est en effet dans ce musée que l’on peut par exemple voir le tableau “L’origine du monde” de Gustave Courbet.
“Je questionne la cohérence avec laquelle les représentants d’un musée national peuvent interdire l’accès à la connaissance et la culture sur la base d’un jugement arbitraire qui détermine si l’apparence d’autrui est décente” questionne Jeanne à la fin de sa lettre ouverte publiée sur Twitter. Cette histoire a fait fortement réagir les réseaux sociaux et entre-temps le musée a présenté ses excuses publiquement : “Nous avons pris connaissance d’un incident survenu avec une visiteuse lors de son accès au musée d’Orsay. Nous le regrettons profondément et présentons toutes nos excuses à la personne concernée que nous contactons.” Le personnel aurait également été rebriefé sur les fameuses règles mentionnées plus haut, qui n’imposent en réalité, aucune tenue particulière dans l’enceinte du musée.

Source : https://www.rtbf.be/culture/arts/musees/detail_le-musee-d-orsay-lui-refuse-l-entree-a-cause-de-son-decollete-marion-jaumotte?id=10580659


Doc. 8

Censure de « L’Origine du monde » : une faute de Facebook reconnue, mais pas sur le fond

Cela faisait sept ans que Frédéric Durand-Baïssas attendait des réponses. Sept ans que ce professeur des écoles accusait Facebook d’avoir désactivé son compte personnel à cause d’une simple photo de tableau. Jeudi 15 mars, une faute du réseau social a finalement été reconnue par la justice, mais pas sur le fond de l’affaire. Le tribunal a jugé illicite une clause établie par Facebook, qui lui donnait le droit de désactiver le compte d’une personne sans nécessairement avoir à lui donner une justification. M. Durand-Baïssas a d’ores et déjà annoncé qu’il ferait appel.


L’affaire a commencé en 2011. Cette année-là, M. Durand-Baïssas poste sur son profil Facebook L’Origine du monde, une œuvre de Gustave Courbet représentant un sexe féminin. Quelque temps après, il s’étonne de voir son compte désactivé pour non-respect des règles d’utilisation du réseau social. Il demande alors à Facebook de revenir sur sa décision, mais l’entreprise refuse. Le professeur décide, quelques mois plus tard, de porter plainte pour atteinte à la liberté d’expression.


La question de la modération de la nudité laissée en suspens

Me Cottineau-Jousse regrette également que la cour ne se soit pas penchée sur la question de la censure, ou non, du tableau. « Dans la décision, on ne parle ni d’art ni de nudité. On ne se demande pas non plus pourquoi à chaque fois ce sont des représentations de corps féminins qui sont censurés », regrette-t-elle, faisant référence à une récente censure de la statue d’une Vénus paléolithique.


Joint au téléphone, Frédéric Durand-Baïssas se dit « assez déçu » :
« C’est une décision qui n’en est pas vraiment une, on ne traite pas du vrai problème. J’ai des élus locaux, des artistes, des amis amateurs d’art qui attendaient de vraies réponses sur le fait de pouvoir ou non poster des nus sur Facebook. Finalement, Facebook a réussi à faire glisser le débat sur un autre terrain, à faire en sorte qu’on ne parle pas de la nudité, y compris dans l’art. »


Le professeur des écoles se dit malgré tout « content » du travail de ses avocats. « Ils ont réussi à obtenir une avancée majeure pendant ce procès, lorsqu’on a reconnu que Facebook pouvait devoir répondre de ses actes devant un tribunal français. Je suis persuadé que cela servira à d’autres que moi. »


Facebook, de son côté, a réagi par un communiqué envoyé au Monde. « Nous avons pris connaissance de la décision rendue aujourd’hui et tenons à rappeler que L’Origine du monde est un tableau qui a parfaitement sa place sur Facebook », y écrit Delphine Reyre, directrice des affaires publiques Facebook France et Europe.

PERRINE SIGNORET, Censure de « L’Origine du monde » : une faute de Facebook reconnue, mais pas sur le fond, Le Monde, Publié le 15 mars 2018 à 19h42 – Mis à jour le 16 mars 2018 à 10h08. https://www.lemonde.fr/pixels/article/2018/03/15/censure-de-l-origine-du-monde-une-faute-de-facebook-reconnue-mais-pas-sur-le-fond_5271666_4408996.html


Doc. 9

Mais qu’est-ce que tu fais à poil Deborah de Robertis ?

Le 29 mai 2014, Deborah de Robertis naissait aux yeux du public, selon l’expression consacrée. La métaphore n’est peut-être pas superflue puisque c’est devant L’Origine du monde de Gustave Courbet que l’artiste luxembourgeoise se dévoilait — littéralement.


Dans une démarche d’incarnation du « point de vue » du modèle représenté, elle s’asseyait, le sexe visible, sous le célèbre tableau exposé au musée d’Orsay. Des visiteurs surpris puis évacués par les agents de sécurité, une plainte déposée par l’institution pour exhibition sexuelle et restée sans suite, et surtout, beaucoup d’encre dans les médias. Depuis, et toujours avec le même aplomb, de Robertis a réitéré sa performance, adaptée à d’autres modèles, d’autres œuvres, d’autres musées. Deux de ces itérations ont fait date en cette année 2016, à Paris : à la Maison Européenne de la Photographie (MEP) le 27 mars et au musée des Arts Décoratifs le 18 septembre.


[…]


Citant le musée d’Orsay, avec qui elle a de nombreux différents, de Robertis en profite pour souligner l’hypocrisie de l’institution parisienne, qui a porté plainte suite à sa performance sous L’Origine du monde en mai 2014 puis sous Olympia d’Édouard Manet en janvier 2016, mais qui n’a pas hésité à mettre en scène des modèles nus à l’occasion d’un événement pour ses trente ans. Pour Geneviève Fraisse, philosophe et militante féministe venue plusieurs fois au secours de l’artiste, le recours à l’argument moral « ne sert à rien et marche comme un cache-sexe » sur la question du nu dans l’espace public.
Le cas Deborah de Robertis laisse souvent perplexe, voire dubitatif. En cause peut-être, le peu d’exposition de l’artiste en dehors des remous relayés par les médias — cette dernière assume justement la restriction d’accès des traces de ses œuvres, à savoir les images de ses performances. Finalement, juger de ses interventions à l’aune de leur qualité artistique fausse sans doute un débat qui est, au fond, surtout politique — il est facile de rapprocher sa démarche d’un combat incarné par les Femen. « Ce qui dérange [l’institution], ce n’est pas la nudité, c’est qu’elle ne [la] sert pas », conclut de Robertis. Pour la justice française en tous cas, la question de la légitimité artistique de de Robertis a été tranchée : ses performances relèvent du délit.


MARIE FANTOZZI, Mais qu’est-ce que tu fais à poil Deborah de Robertis ?, Vice, https://www.vice.com/fr/article/qkex8x/qu-est-ce-que-tu-fais-a-poil-deborah-de-robertis


Doc. 10

Vers une révolution.

Les auteurs de l’étude estiment que l’on peut raisonnablement s’attendre à voir émerger une révolution sur le plan sexuel grâce aux robots : ils pourraient apporter une aide non négligeable aux personnes qui rencontrent des difficultés à avoir des rapports sexuels autrement. Les machines seraient ainsi un outil vers la guérison sexuelle, par exemple pour des personnes traumatisées ou souffrant de dysfonctionnements érectiles.
Néanmoins, la fondation alerte sur les risques potentiels de cette démocratisation des robots sexuels : ils pourraient favoriser l’objectivation des femmes et de leur corps ou modifier notre perception du consentement sexuel. Les auteurs ajoutent que les robots pourraient être utilisés afin de satisfaire des désirs considérés par le droit comme relevant de l’illégalité.

Les robots sexuels risquent de contribuer à l’objectivation des femmes.

« Il y a effectivement des avantages à cette technologie, mais comme pour toute chose, il y a un équilibre, avance Aime van Wynsberghe, co-directrice de la fondation. Il faut trouver un équilibre entre l’absence de réglementation — qui conduit à des usages et personnification des enfants et femmes comme objets sexuels — et une régulation excessive qui étoufferait la technologie. Il faut trouver le moyen d’équilibrer la balance, afin d’exploiter le positif. »
Enfin, cette étude postule que la popularité future des robots sexuels sera sans doute liée à leur niveau de réalisme, qui devrait conditionner la manière dont ils seront acceptés socialement.

NELLY LESAGE, Une étude questionne les futurs enjeux éthiques des robots sexuels, http://www.numerama.com/tech/273195-une-etude-questionne-les-futurs-enjeux-ethiques-des-robots-sexuels.html, mis en ligne le 5-7-2015.


Bande dessinée

Doc. 11

Hubert et Zanzim, Peau d’Homme, Grenoble, Glénat, 2019, pp. 122-124.


Doc. 12

INTERVIEW DE LA MANGAKA AKANE TORIKAI

Avez-vous beaucoup réfléchi à la mise en scène du viol de Misuzu dans le premier tome ? Est-il difficile de représenter ce genre de scènes sexuelles complètement « désérotisées » ?

Non, ce n’était pas difficile du tout. Il suffisait de reléguer le logiciel masculin, qui a tendance à idéaliser l’acte et à penser le désir féminin à la place de la femme elle-même. Si vous dégraissez une scène de sexe de tout cet enrobage fantasmatique macho, vous obtenez la scène de viol telle que je l’ai dessinée. (elle réfléchit) Vous savez des images sexualisées selon le regard des hommes, il n’y a que ça au Japon. Tenez, je reviens tout juste de Shibuya, et il n’y a que ce type de représentations autour de moi : des publicités avec des idols ou des personnages issus d’animes aux postures ultra suggestives, avec des joues roses et des grosses poitrines… Quand je m’arrête cinq minutes et que j’observe ces vidéos, photos ou dessins, je me dis qu’on vit vraiment dans un monde cinglé. L’expression sur le visage de Hara dans le manga est celle que j’ai moi quand je me mets à regarder, puis à réfléchir, à l’objetisation dont sont victimes les femmes dans la société japonaise. Sa mauvaise tête, c’est la mienne.

[…]

La prépublication d’En proie au silence remonte à 2013. Or, c’est aujourd’hui – enfin depuis à peine trois ans, à peu près – que la question sensible du harcèlement sexuel est débattue intensément dans les médias. Comment réagissez-vous à cette, disons « prise de conscience » tardive ?

Si vous parlez du mouvement #metoo, je pense qu’il s’agit d’un phénomène naturel, né d’une accumulation de choses qui ont fini par déborder. Ou exploser plutôt. Et que peut-il sortir d’autre d’une exposition de la colère ? C’est ça qui est compliqué avec cette prise de conscience : il faut savoir aller au-delà de la colère. Déjà, le simple fait que l’on puisse aujourd’hui parler publiquement de ces problèmes est un point positif. Maintenant, il va falloir transformer cette parole libérée et éviter de tomber dans l’excès. (elle réfléchit) Je peux aussi comprendre qu’une personnalité comme Catherine Deneuve ait un avis plus contrasté sur la question. C’est en tout cas une position que je trouve recevable. Plus spécifiquement au Japon, il est complètement admis que la femme soit sexualisée. C’est même quelque chose de nécessaire si l’on souhaite vire et réussir en société. Nous en parlions précédemment : tous les mécanismes de séduction féminine – être coquette, minauder, etc. – sont en fait positivités par notre environnement social. Ces informations comportementales sont inscrites dans le logiciel des files. Et refuser de s’y plier est mal vu.

Et vous, avez-vous refusé de vous y plier ?

Pas du tout, je m’y plie et j’en joue tout le temps ! Sauf que je déteste ça ! (rires) C’est devenu une habitude, surtout quand j’ai quelque chose à y gagner. J’aimerais pouvoir arrêter mais… (elle réfléchit) Ma peur est de mettre en colère un homme, car je sais qu’une femme ne gagne jamais le rapport de force. J’ai donc plusieurs fois usé de ces outils de séduction, notamment pour le boulot, quand je travaillais dans des bars de nuit par exemple. Là, cela faisait partie du « moule » du job : il fallait se couler dedans, c’était une obligation.

Akane Torikai, Une droite dans les yeux, propos recueillis par Fausto Fasulo, traduction Sébastien Ludman, in ATOM #13, La culture manga, février/mars/avril 2020, pp. 83-84.


Musique

Doc. 13

Les deux chansons sont à analyser en vis-à-vis.

Les paroles

Les paroles

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