Dans un livre qui a eu un certain retentissement outre-Atlantique, The Hacking of the American Mind, le neuroendocrinologue Robert Lustig distinguait fermement la recherche du plaisir et la recherche du bonheur. Si le premier dépend directement de la production de dopamine, le second dépend, lui, de la production de la sérotonine, qui crée une sensation plus durable. Or, la recherche du plaisir s’oppose bien souvent à celle du bonheur, y compris en termes chimiques. En effet, explique Lustig, la dopamine est un neurotransmetteur qui excite le neurone. Il se trouve que les neurones voient leur niveau d’excitabilité s’élever à mesure qu’ils sont excités. Pour obtenir le même effet, il ne faudra toujours plus ; cela décrit exactement ce qui se produit dans les phénomènes d’addiction. Le professeur de l’université de Californie souligne que ce processus décrit le rapport que nous pouvons avoir à l’alcool, aussi bien qu’au sexe ou aux réseaux sociaux.

Nombre d’offres et de stimulations de notre environnement social convoquent la recherche de plaisir à court terme de notre cerveau. Tels les rats de l’expérience de James Olds et Peter Milner, nous aurons tendance à vouloir appuyer frénétiquement sur le levier à dopamine. L’objectif d’un certain nombre de marketeurs et de publicitaires est de nous faire confondre le plaisir et le bonheur. Contrairement aux rats, nous avons assez de ressources métacognitives pour comprendre que nous sommes enfermés dans des boucles addictives et en souffrir, mais pas toujours suffisamment de ressources mentales pour en sortir.

Gérald BRONNER, Apocalypse cognitive, Paris, PUF, 2021, pp. 198-199.

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