L’identité peut s’entendre comme mêmeté ou comme ipséité (voir Ricœur). Il existe donc deux concepts distincts. Le mot « identité » vient du latin idem qui signifie « le même ». Pierre est identique à lui-même, il est le même que lui-même : il est distinct de Paul et il est le même individu aux différents moments de sa vie. L’identité mêmeté se caractérise par le fait d’être distinct et par la permanence à travers le changement. Pour l’être humain, l’identité signifie aussi être soi-même. En ce deuxième sens, l’identité est l’ipséité, mot inventé à partir du latin ipse qui signifie « soi-même ». L’identité ipséité suppose l’identité mêmeté. Béatrice est devenue Paul, mais c’est le même individu. Et c’est en changeant de genre que l’individu qui était Béatrice et qui est devenu Paul, est lui-même. L’identité mêmeté distingue un individu d’un autre individu ; l’identité ipséité distingue, chez le même individu, être soi de ne pas être soi.
La formation de soi est un enjeu essentiel de l’éducation. Mais la notion d’identité, même conçue comme ipséité, est-elle pertinente pour rendre compte des processus d’émancipations et de subjectivation, c’est-à-dire de constitution de soi comme sujet ? Ne tend-elle pas, par une sorte de pente substantialiste, à faire prévaloir la mêmeté et la permanence sur la différence et le changement ? Pour Michel Foucault, l’identité est le produit d’un rapport de pouvoir et les luttes contre l’assujettissement se font contre l’identité, contre « ce qui classe les individus en catégories » et « les attache à leur identité » (cité par Renault, p. 295). Au contraire pour Axel Honneth, et aussi pour Paul Ricœur, l’identité personnelle n’est pas substantielle mais relationnelle : elle se construit dans les relations avec les autres (en particulier les relations de reconnaissance). Il y a deux formes de violence : l’assignation à une identité et, inversement, la non-reconnaissance d’une identité.
L’éducation forme, à travers la socialisation primaire où l’enfant est plus objet que sujet de l’éducation, l’identité sociale, sexuelle, religieuse, culturelle, etc. de la personne. Elle est en un sens assujettissement. Mais elle rend possible aussi, dans la mesure où elle ouvre à l’altérité (par l’école, les voyages, les rencontres, la participation aux luttes politiques, etc.) des désidentifications et des ré-identifications. Le devenir soi-même est inséparable d’un devenir autre. Il n’y a pas d’identité définitive : on n’en a jamais fini de devenir soi-même. L’important, ce n’est pas l’identité, mais la re-configuration de l’identité dans la relation à soi, aux autres et au monde. Comme le dit Claude Lévi-Strauss dans la conclusion de son séminaire de 1974-1975 sur l’identité : « c’est que l’identité se réduit moins à la postuler ou à l’affirmer qu’à la refaire, la reconstruire ; et que toute utilisation de la notion d’identité commence par une critique de cette notion. »
Jean-Marc LAMARRE, Identité in Dictionnaire de philosophie de l’éducation, Paris, ESF Sciences-humaines, 2021, pp. 141-142.