Mais poussons le bouchon de la réflexion. Pourquoi, après tout, faut-il interdire ces propos puisqu’on ne blesse physiquement personne ? Si on a le droit de penser du mal d’une communauté ou d’être raciste, pourquoi n’aurait-on pas le droit de le dire publiquement ? Si la sensibilité des « cibles » devient un argument, ne pourrait-on pas interdire tout propos potentiellement blessant envers qui que ce soit, et vider ainsi de son sens de tels dispositifs ? On se pose rarement cette question – on s’arrête généralement au constat que le racisme ou la discrimination, c’est mal, point final – et c’est pourtant l’élément capital. Si on interdit les propos publics haineux c’est sans doute parce que le Législateur a inconsciemment fait le postulat que l’esprit humain est malléable et facilement gagnable par l’effet de meute, aisément manipulable dès qu’on lui désigne une cible. […]

Mais il faut aller encore plus loin et dire les choses clairement : si on considère que la promotion d’idées xénophobes pose problème dans la société, c’est en réalité parce qu’on craint… le passage à l’acte ! On craint que des préjugés xénophobes mille fois répétés finissent par se retrouver légitimés par leur diffusion multipliée et acceptée, risque d’autant plus grand lorsque c’est une figure populaire qui participe de cette propagation. On craint que les idées se contaminent et permettent qu’on s’en prenne plus facilement physiquement à des individus en raison de leur origine, couleur, religion, orientation sexuelle, etc. Ces lois nous protègent physiquement en entendant limiter les processus de justification que leur diffusion permettrait, et qui altérerait le mécanisme d’autocensure chez les individus.

François DE SMET, Billet radio pour la Première (RTBF), 7 mai 2013.

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