Un enfant qui naît dans un foyer appauvri à la fois au plan interpersonnel et au plan financier est confronté à un bien plus grand ensemble de problèmes qu’un enfant qui naît dans un foyer riche en soutiens, mais certains individus – les Abraham Lincoln d’aujourd’hui – se sortent de ces contextes semblablement appauvris et mènent des vies exemplaires. Et nous avons maintenant à notre disposition différents éléments pour comprendre comment cela peut arriver. Premièrement, ces individus peuvent avoir fait partie du très faible pourcentage d’enfants qui sont bien au-delà de la moyenne en termes de caractéristiques psychologiques (et peut-être physiques) pouvant contribuer à un développement sain et autonome. Deuxièmement, ces individus peuvent avoir trouvé une personne à part pour leur donner les nutriments interpersonnels dont ils ont besoin. Troisièmement, ils peuvent en réalité avoir poussé les adultes froids et contrôlants dans leur vie à être un peu moins froids et contrôlants avec eux. Et enfin, ils peuvent avoir développé des attentes les menant à interpréter une variété de situations comme étant plus soutenantes de leur autonomie qu’elles ne l’étaient en réalité.

S’il est vrai que l’environnement social – qu’il soit oppressant ou nourrissant – a un énorme impact sur le développement des enfants, chacun de ces quatre processus que nous venons de souligner commence au niveau de l’individu plutôt que de l’environnement, et chacun aide à expliquer comment les individus peuvent exceller en dépit d’environnements relativement appauvris, ou, quand ces processus prennent la mauvaise direction, s’en sortir encore moins bien qu’espérer.

Le fait de reconnaitre que nos enfants, étudiants, employés, et patients peuvent influencer la manière dont nous les traitons, souligne un important défi pour nous autres parents, enseignants, managers, et professionnels de santé. Le défi est de soutenir l’autonomie même avec les individus qui cherchent à ce qu’on les contrôle. Ce sont les individus les plus passifs, soumis, et défiants qui ont le plus besoin d’un contexte interpersonnel optimal – d’implication, de soutien à l’autonomie, et de sensibilité dans l’instauration des limites – mais c’est à ces individus que nous avons le plus de mal à le procurer.

Edward L. DECI, Richard FLASTE, Pourquoi faisons-nous ce que nous faisons, Motivation, auto-détermination et autonomie, traduction Tiphaine Huyghebaert et Nicolas Gillet, Malakoff, Interéditions, 2018, pp. 199-200.

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