L’exploité et l’opprimé du défunt marxisme ont été remplacés par le culte sentimentale de la victime. Le victimalisme apparaît en constant progrès dans la vie publique. La sophistique de l’indignation-spectacle s’exprime de nos jours à travers la posture de la victime dans les médias, par le pathos qui consiste à se dire insulté et blessé (en dépit des dénégations de votre adversaire qui proteste de ses intentions bienveillantes), à se poser en victime de son mépris, de son manque de considération, à étaler sa souffrance et son humiliation en appelant le public, compatissant et/ou intimidé, à se ranger de votre côté, du côté de l’insulté, du maltraité. Ce peut être une hystérie d’hypersensibilité mais aussi une technique de victimalisme « professionnel » entretenu par des groupes de pressions identitaires – on parle en américain de « strategic victimhood ». Le prétendu insulteur n’a pas besoin de vouloir offenser, il suffit qu’il ne marque pas un respect inconditionnel.

Marc ANGENOT, Malaise dans l’esprit de moquerie et de satire : la passion de censure et ses progrès, in De quoi se moque-t-on ? Satire et liberté d’expression, ouvrage collectif sous la direction de Cédric PASSARD et Denis RAMOND, Paris, CNRS éditions, 2021, p. 381.

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