Le programme du CPC
Le cours de philosophie et citoyenneté a été mis en application 2016 dans le primaire et en 2017 dans le secondaire. En tant que cours, seuls les établissements de l’enseignement officiel (organisés ou non par la FWB) et les écoles du libre non-confessionnel le dispensent. Pour ce qui est du réseau libre confessionnel, le cours est distillé de manière transversale à travers les différents cours du cursus scolaire.
Disponible sur le site enseignement.be, le référentiel et le programme se présentent en trois documents séparés qui correspondent respectivement à l’enseignement primaire, à l’enseignement secondaire du premier degré, et à l’enseignement secondaire du deuxième et troisième degrés :
Comment “lire” le programme du deuxième et troisième degrés ?
Avec près de 200 pages, le programme de CPC du deuxième et troisième degré a de quoi impressionner. A cela, on peut ajouter une organisation en U.A.A. qui impose de construire des “chapitres” clos sur eux-mêmes dont une évaluation est censée en indiquer la maîtrise ou non des compétences par l’élève. Et si on se penche sur les très nombreux concepts et références invoquées dans celui-ci… il y a vraiment de quoi se sentir perdu(e).
Afin d’en rendre l’appropriation plus simple, je vous propose une petite méthodologie de lecture qui vous permettra de vous approprier le programme tout en le respectant. Bien évidemment, cette petite méthodologie suppose d’avoir déjà parcouru le-dit programme.
1. Combien d’U.A.A. par an ?
Que ce soit pour l’heure commune ou pour l’heure d’option (je me refuse à la formulation “dispense”), la tendance générale est d’aborder trois U.A.A. par année de cours. De là, il est de bon ton de se mettre d’accord avec les collègues directs, surtout au deuxième degré, afin de s’assurer le travail de toutes les U.A.A.
Certaines méthodes préconisent de voir toutes les U.A.A. chaque année en partant du principe que la deuxième année du degré sera l’occasion d’un renforcement. Je déconseille fortement une telle approche. En raison du peu de temps dont nous disposons, environ trente heures de cours par année (trente pour l’heure commune et trente pour l’heure optionnelle), envisager de voir jusqu’à douze U.A.A. sur une année nuit grandement à la capacité des élèves à approfondir la matière. Vous risquez de courir après le temps et de ne renvoyer à vos élèves l’impression d’être sans cesse évalués (car oui une U.A.A. finit par une évaluation) sans avoir eu l’occasion de véritablement traiter la matière.
La seule raison acceptable de voir les six U.A.A en une année consisterait à les intégrer dans un appareil méthodologique où la régularité des dispositifs permettrait d’approfondir des gestes du philosopher qui émergeraient dans chaque U.A.A. Sans juger du bien fondé d’une telle approche, pour ma part, j’adopte une approche plurielle du philosopher.
2. Comment savoir quoi faire dans une U.A.A. ?
Imaginons que vous vous soyez répartis les U.A.A. avec les collègues, il faut maintenant déterminer ce que nous allons mettre dans ces U.A.A. D’ailleurs c’est généralement le contenu possible de l’U.A.A. qui détermine l’année à laquelle il s’adresse.
J’ouvre une petite parenthèse pour inviter les professeurs de CPC à se tenir au courant de ce qu’il se passe dans les autres cours généraux afin de pouvoir les “utiliser” en partie dans notre cours. Prenons l’exemple du cours de géographie, le fait que les élèves y abordent la déforestation en 4e peut être utile pour l’U.A.A. Relation sociale et politique à l’environnement. Ou encore, attendre que les élèves aient vues les idéologies politiques en histoire à l’occasion du cours de 5e générale permet de moins bûcher pour aborder l’U.A.A. L’État : pourquoi, jusqu’où ?
Voici comment se présente votre U.A.A. dans le programme. Notez au passage les jolies couleurs, elles nous seront utiles, non pas à le comprendre, mais à le lire efficacement.

Au risque de ne paraître quelque peu dissident, je vous invite à ne pas prendre en compte les cadres jaunes, oranges et mauves (violets) dans un premier temps. En effet, la plupart des pistes théoriques et des supports proposés sont d’un niveau bien trop grands pour les élèves et supposent souvent une grande maîtrise de l’histoire de la philosophie. Je peux avancer sans sourciller que cette partie du programme a pour objectif de “faire peur” et de donner du contenu au cours… chose que l’on peut faire autrement.
Pour une lecture efficace, je vous conseille de vous attarder sur la partie gauche du programme. Cette partie est dévolue à la dimension pratique du programme : Que faire ? Pour quel objectif ? Comment organiser un travail qui permette de le révéler ?

Si la partie de droite est à oublier dans un premier temps, il pourra être intéressant d’y revenir plus tard, d’en explorer les propositions afin de “muscler son jeu” en tant que professeur de philosophie et citoyenneté. A côté de cette partie de droite du programme, il est une autre partie, plus abordable quoique tout aussi terrifiante, la partie Ressources du référentiel. Dans celle-ci, vous trouverez pour chaque U.A.A. une série de prérequis (ce que l’élève est censé avoir vu et est censé maîtriser), des concepts et notions liées à l’U.A.A. ainsi que des savoir-faire et attitudes en lien avec cette même U.A.A. D’ailleurs, sur Philons, vous trouverez un glossaire des notions pour chaque U.A.A, ce glossaire, ainsi que des ressources et des idées de séquences se trouve dans la section Séquences du site.

Face à cette importante quantité, je vous conseille de ne pas vous mettre en tête d’aborder toutes les notions et tous les concepts indiqués dans cette partie. Vous n’en avez matériellement pas le temps. A titre d’exemple, pour le deuxième degré, ce ne sont pas moins de 46 concepts et notions qui sont censés être abordés sur les deux années de cours ce qui en fait trois toutes les deux heures de cours. Je conseille donc, à la place, d’en sélectionner quelques uns (deux voire trois) afin de s’assurer de bien les développer.
3. Identifier les U.A.A. qui se ressemblent et les notions qui y sont centrales
Maintenant que vous avez grossièrement parcouru le programme et avez une idée des grands thèmes autour desquels se développeront les savoir-faire et les compétences du CPC, il peut être intéressant d’envisager ce que représentent cet ensemble sur un temps long. Cette remarque est particulièrement valable pour les professeurs qui donnent cours aux deuxième et troisième degrés, mais elle s’applique également à celles et ceux qui articulent le premier et le deuxième.
Vous le constaterez par vous-même, le référentiel et le programme ne sont pas équilibrés. Des concepts comme la liberté et l’État y apparaissent de nombreuses fois que ce soit explicitement ou implicitement au travers de problématisations voisines. Anticiper ces récurrences aura pour avantage de préciser votre propos en fonction des U.A.A. (ce que nous verrons dans la partie de cette section dédiée à la création de cours) et vous évitera le sentiment d’être vague ou d’aborder les choses en surface tout en ayant l’impression de parler de la même chose.
4. Un aspect souvent ignoré… les savoir-faire
L’organisation de l’année selon des U.A.A. implique des séquences closes sur elle-même au bout desquelles une évaluation servira de baromètre à la bonne maîtrise des compétences. Se définissant dans le décret mission comme l’aptitude à mettre en œuvre un ensemble organisé de savoirs, de savoir-faire et d’attitudes permettant d’accomplir un certain nombre de tâches, il ne faut pas avoir peur de déclarer celles du programme de CPC mal pensées dans leur articulation sur du long terme. Autrement dit, si elle semble adéquate à chaque U.A.A., la présentation des compétences rend très difficile une construction sur un temps long que ce soit dans l’année ou dans le cursus de l’élève.
L’origine de cette difficulté se trouve dans une inutile multiplication des verbes opératoires et dans l’objet de ces verbes qui peut changer la nature de l’opération demandée. Par exemple, dans l’U.A.A. 3.1.4 Liberté et responsabilité, il est demandé de “problématiser deux concepts en tant qu’ils sont une condition de possibilité”. Dans la 3.1.1 Vérité et pouvoir, nous trouvons également une demande de problématisation de concept (celui de vérité), par contre la relation entre la vérité et le pouvoir est abordée selon l’angle du questionnement. On le remarque aisément, ces deux U.A.A. dont le titre indique une mise en relation de deux concepts complémentaires qui seront à problématiser, abordent de manière différente leurs objets. Cette inutile variation dans la construction des U.A.A. est à notre sens le fruit du peu de temps dont ont disposé les personnes en charge de rédiger le programme.
Ainsi, pour celles et ceux qui seraient soucieux d’entreprendre une démarche progressive et programmatique dans la maîtrise des différents gestes du philosopher, je conseille d’être particulièrement attentif aux savoir-faire. Au nombre de huit (dont trois n’ont qu’une occurrence et exception faite des U.A.A. sur le processus démocratique qui visent clairement un autre objectif), on peut facilement identifier une tendance dans la répartitions des savoir-faire qui laisse apparaître une distinction forte entre le deuxième et le troisième degré. En effet, ce dernier est axé autour de la problématisation et la lecture de textes philosophique y apparaît plusieurs fois contrairement au programme du deuxième degré.