On parle beaucoup aujourd’hui d’authenticité. Elle se présente, comme chaque réclame du néolibéralisme, sous les atours de l’émancipation. Être authentique, cela signifie être libre à l’égard des modèles d’expression et de comportement reçus, à l’avance, de l’extérieur. C’est d’eux que naît la contrainte de n’être identique qu’à soi-même, de ne se définir que par soi-même, mieux, d’être l’auteur et l’inventeur de soi-même. L’impératif de l’authenticité produit une contrainte envers soi-même, la contrainte de s’interroger en permanence, de s’épier, de s’assiéger. Il renforce le rapport narcissique à soi-même.
La contrainte de l’authenticité force le moi à se produire lui-même. L’authenticité est en fin de compte la forme néolibérale de production du soi. Elle fait de chacun le producteur de soi-même. Le moi, comme entrepreneur de lui-même, se produit, se performe et s’offre à lui-même comme marchandise. L’authenticité est un argument de vente.
L’effort d’authenticité visant à n’être identique qu’à soi-même déclenche une comparaison permanente avec d’autres.
Byung-Chul HAN, L’expulsion de l’autre, Société, perception et communication contemporaines, trad. Olivier Manonni, Paris, PUF, pp. 37-38.