L’intérêt de ce mot bioéthique qui associe bios (la vie) et ethos (mœurs) est de convoquer philosophes, juristes, scientifiques et personnes malades ou non à une réflexion commune. Cette transdisciplinarité reste pourtant balbutiante : les scientifiques supportent mal que la légitimité de leurs recherches soit interrogée par des profanes, les juristes comprennent mal cette irruption de la science dans un droit qui n’a pas toujours de réponse adaptée, les théologiens s’inquiètent de l’échappement de l’intervention sur le vivant à une tradition qu’ils voudraient figée. Or, si la bioéthique a un sens, c’est justement dans cette rencontre permanente entre des points de vue différents. Peut-on donner une définition de la bioéthique ? Elle me paraît être la mise en forme à partir d’une recherche pluridisciplinaire d’un questionnement sur des conflits de valeurs suscités par le développement technoscientifique dans le domaine du vivant et en particulier de l’humain. Il ne s’agit donc pas d’une réponse morale, mais d’un questionnement incessant, toujours à reprendre, interrogeant autant le progrès des connaissances que notre capacité à réfléchir sur nous-mêmes. En aucune façon, il ne s’agit de procédure codifiée ni de compromis entre personnes de bonne volonté, ni d’application normative d’un droit médical, ni d’une lecture morale de la science médicale. La bioéthique n’est en aucun cas « la morale » de la science.

Didier SICARD, L’éthique médicale et la bioéthique, Paris, PUF, coll. Que sais-je, 2017, pp.13-14.

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