Funan

La révolution des Khmers rouges au Cambodge est une partie de l’histoire du XXe siècle peu souvent abordée en classe. Sans entrer dans une analyse qui dépasse nos compétences, on peut émettre l’hypothèse que le peu de traitement dont elle fait l’objet est principalement dû au peu de retentissements culturels (comme l’est par exemple la guerre du Vietnam à travers le cinéma), géopolitiques (comme l’est la révolution culturelle chinoise pour comprendre l’émergence de la deuxième puissance mondiale actuelle) ou sidérants (comme l’a été le génocide au Rwanda dans son déroulement) qui ont accompagné cet événement. Loin de dire qu’elle n’est jamais travaillée, la révolution Khmer fait partie de ces événements qu’il “faut aller chercher” plutôt que d’attendre qu’ils viennent à nous.
Le cinéma, en tant que vecteur culturel et historique et en tant que médium populaire, a cette puissance de révélation et de marquage dans les esprits de moments historiques, d’histoires bouleversantes qui prennent vie devant les yeux du spectateur. En ce qui concerne le cinéma d’animation, Funan de Denis Do apparaît comme un de ces longs métrages qui, à l’occasion d’une histoire familiale, propose un regard sur une période trouble de l’histoire à travers les personnages qui la vivent.
Dans cette histoire, nous suivons la famille de Denis Do qui vit la révolution des Khmers dans son arbitraire idéaliste. La particularité de cette révolution consista en une sorte de transhumance des populations des grandes villes vers des camps qui ont tout du camp de travail malgré l’égalité présumée de ce “peuple nouveau”.
Nous suivons donc cette famille qui sera séparée au gré des caprices du destin ou des hommes et qui n’a de cesse de vouloir se retrouver tout en tentant de survivre dans cet enfer qu’est devenu leur vie de tous les jours. Sans omettre une approche politique de la révolution à travers ses gardes et l’organisation des camps, c’est surtout la dimension humaine qui est au cœur du propos du scénariste. Ainsi, les personnages principaux verront leur représentation de ce qui est acceptable ou non évoluer en même temps que les conditions de vie auxquelles ils sont contraints.
Il faut le dire Funan s’apparente à une véritable descente aux enfers où seule Chou, la mère de Denis, semble garder une force hors du commun face aux atrocités vécus. Un film dur qui montre à ceux qui en doutent encore le caractère adulte que peut revêtir (et qu’à en fait toujours revêtu) le cinéma d’animation.
On pourra parfois être dérangé par une animation et une esthétique loin des standards actuels, ce qui n’enlève rien à la puissance d’un film qui mérite une reconnaissance plus grande, surtout auprès des enseignants en recherche de ressources… Tout simplement bouleversant.