L’État [est] un ensemble d’institutions et d’administrations possédant sur la société et sur ses membres un pouvoir souverain supposé lui permettre de remplir un certain nombre de fonctions indispensables au bon fonctionnement de la société.

Plus précisément et indépendamment de la discussion sur le régime politique le plus pertinent, l’État moderne s’est posé et continue de se poser à partir de sa distinction d’avec la société. Cette dernière se trouvant conçue comme le lieu où se déploient les intérêts particuliers des individus et des groupes d’individus, l’État est supposé constituer le lieu de l’intérêt général, en faisant prévaloir le bien commun : c’est en faisant valoir ce qu’est l’intérêt général, en faisant prévaloir le bien commun sur les intérêts sectoriels que recherchent les uns et les autres, que l’État fait pour ainsi dire « tenir ensemble » les différents acteurs, partenaires et quelques fois adversaires, qui sont appelés à coexister au sein du même espace social.

À cette fin, l’État dispose, pour assurer la cohésion de la société, de différents appareils de pouvoirs : ils lui permettent de produire les lois établissant ce qu’exige le bien commun (pouvoir législatif), de mettre en œuvre ces lois (pouvoir exécutif) ou encore de juger et de réprimer les transgressions que les lois peuvent subir (pouvoir judiciaire). Plus les sociétés se sont élargies et plus les rouages s’en sont complexifiés, plus l’élaboration et la mise en œuvre des lois notamment ont requis de puissants appareils bureaucratiques chargés d’inscrire la volonté de l’État dans la particularité des situations concrètes où se déroule la vie des acteurs sociaux. Au-delà même du gouvernement et des ministères, où s’élaborent les choix politiques, l’État moderne prend ainsi, avant tout, la forme d’un ensemble de services et d’administrations chargés en principe de réaliser dans toute une série de secteurs (sécurité sociale, éducation nationale, police, armée, santé, imposition, fiscalité, etc.) ce qu’exige le bien commun.

C’est en ce sens une donnée fondamentale de toute réflexion sur l’État que de bien comprendre que, dans nos sociétés modernes, la rencontre du citoyen avec l’État est quotidienne : loin de se borner à ce choix périodique de nos gouvernants auquel la vie démocratique nous a accoutumés, notre relation à l’État se trouve inscrite au cœur de nos vies. En ce sens, il n’est pas excessif de soutenir que nos vies sont « politiques » de part en part, si du moins on accorde que la politique entre en jeu partout où une société, pour que ceux qui la composent coexistent de la meilleure façon possible, a besoin d’être gouvernée.        

Alain RENAULT, Découvrir la philosophie, 4. La politique, Paris, Odile Jacob poche, 2010,pp.104-105.

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