La séparation de l’Église et de l’État qui fait la spécificité de la France depuis 1905 n’est en aucun cas le modèle dominant dans le monde où se côtoient des États théocratiques, des États où il existe une religion officielle, des États séculiers, des États constitutionnellement sans référence religieuse ou athées. La géographie religieuse des États est, par conséquent, plus diverse qu’on ne le croit.

États religieux

Le monde d’aujourd’hui ne compte dans son ensemble que trois États que l’on peut qualifier de « théocratiques », c’est-à-dire où le gouvernement est exercé par une autorité religieuse et/ou la loi civile se confond avec la loi religieuse. Il y a d’abord l’État du Vatican, incarnation temporelle de l’institution religieuse représentant le catholicisme. On peut ensuite mentionner l’Iran, dont le dualisme des institutions politiques soumet l’État à l’autorité du Guide suprême, un ayatollah, selon le principe institué par l’ayatollah Komeiny, du wilayat al-faqih (le gouvernement du docte) au fondement de l’État islamique iranien. Selon la constitution iranienne, le guide désigné par une assemblée d’experts est le chef absolu du pays. Enfin, on peut inclure l’Arabie saoudite dans cette catégorie, dans la mesure où le pays est fondé sur l’alliance entre le sabre et le Coran, incarnés par la famille Saoud pour l’un et par la doctrine wahhabite pour l’autre, tant et si bien que la loi islamique, la charia, est strictement appliquée dans l’ensemble du royaume. La justice est ainsi donnée en son nom et les sentences comprennent des sévices telles la flagellation, l’amputation, la lapidation et la peine de mort pour les meurtres, le blasphème, la trahison et les actes homosexuels. Gardienne des deux principaux lieux saints de l’islam, la monarchie s’appuie également intensément sur la religion pour asseoir sa légitimité politique.

Dans les autres pays musulmans, la charia n’est pas la seule loi de l’État, mais s’applique généralement dans le seul domaine du droit personnel (état civil, divorce, polygamie). La plupart des États musulmans ont donc un système juridique mixte – le poids de la charia varie selon les États – et ont pour religion officielle l’islam. Parmi les pays islamiques, seules la Turquie et les anciennes républiques soviétiques d’Azerbaïdjan, du Kazakhstan, du Tadjikistan, du Kirghizistan et du Turkménistan sont constitutionnellement laïques. Les autres Etats musulmans, en particulier en Afrique où l’islam n’est pas toujours dominant, sont de type séculier, c’est-à-dire qu’ils reconnaissent une pluralité de confessions sans accorder de primauté à l’une d’entre elles.

Religions d’État

L’officialisation d’une religion majoritaire n’est toutefois pas une spécificité de l’islam : la Thaïlande, le Bhoutan ou le Cambodge sont des États bouddhiques. Au sein du christianisme, il existe également des Etats où la religion officielle est le catholicisme, tels l’Argentine, le Costa Rica ou Monaco ; l’orthodoxie (Grèce et Chypre) ou encore le luthérianisme (Danemark, Finlande et Islande). Quant à l’Angleterre, l’anglicanisme est officiel depuis le schisme avec Rome, en 1534. D’ailleurs, jusqu’en 2013, les monarques britanniques ne pouvaient épouser de catholiques. Le changement est la conséquence du mariage du prince William, prétendant au trône, avec la catholique Kate Middleton, car, sans cela, leurs enfants n’auraient pu accéder à la fonction royale. Quant à Israël, bien qu’État juif, sous-entendu de la nation juive, d’identité juive, il n’est en rien un Etat religieux.

États laïcs

À l’instar de la France, de nombreux pays comme les États-Unis, l’Inde ou la Bolivie depuis 2009 ont officiellement opéré une séparation entre l’Église et l’État et sont le plus souvent constitutionnellement laïcs. D’autres sont dits « séculiers », c’est le cas de la Belgique, de l’Allemagne, de l’Autriche. Quant à l’Australie, le Canada ou le Chili, aucune référence à Dieu ni à la religion n’existe dans leurs constitutions. Seuls quelques États communistes (Chine, Corée du Nord et Viêt Nam) se réclament encore de l’athéisme.

FRANK TÉTART, Atlas des religions, Passions identitaires et tensions géopolitiques, Paris, Éditions autrement, 2015, p. 84.

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