Si la distinction entre offenses et préjudices paraît limpide en théorie, sa mise en pratique est plus délicate. Ainsi, pour certains croyants, l’atteinte à un symbole sacré de leur religion est parfois ressentie comme une « blessure » personnelle, un préjudice qui les atteint dans leur intégrité, comme une forme d’agression raciste ou d’incitation à la haine en somme, ce qui peut conduire à réactiver le vieil interdit du blasphème. Plus généralement, si l’on voulait prémunir de telles sensibilités, toute forme de satire se verrait prohibée puisqu’il y aura toujours quelqu’un pour la ressentir comme humiliation intime. De fait, sous prétexte de protéger la jeunesse, de ne pas choquer les convictions d’autrui ou de respecter la dignité des individus voire certains objets sacralisés par les uns et les autres (la République, la famille, etc.), d’anciens tabous ou interdits peuvent refaire surface. Inversement, il est évident que la revendication d’un droit à la satire peut être aussi instrumentalisée par certains pour justifier ou dissimuler des discours de haine, comme le montre la longue tradition satirique présente à l’extrême droite.

Cédric PASSARD, Denis RAMOND, L’espace de la satire, in De quoi se moque-t-on ? Satire et liberté d’expression, ouvrage collectif sous la direction de Cédric PASSARD et Denis RAMOND, Paris, CNRS éditions, 2021, p. 32.

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