Nées de deux principaux foyers, le Moyen-Orient et l’Inde, les religions à vocation universaliste se sont peu à peu diffusées au cours de l’Histoire au reste de la planète. Ces grandes religions en nombre et en superficie dessinent aujourd’hui une géographie qui témoigne de dynamiques tant historiques que politiques.

En 2015, plus de huit personnes sur dix dans le monde se revendiquent d’une religion. Le christianisme rassemble environ 32% (soit 2,2 milliards de fidèles), suivi par l’islam qui compte 23% de fidèles (1,6 milliards), contre seulement 10% en 1800, puis par l’hindouisme avec 15% d’adeptes (1 milliard) et enfin le bouddhisme (7%), soit 500 millions de personnes. Parmi les 23 % restants, 16% se déclarent sans affiliation religieuse et les autres se répartissent entre religions ethniques (judaïsme, shintoïsme), minoritaires (sikhisme, jaïnisme, bahaïsme, zoroastrisme) ou traditionnelles (animismes en Afrique, Amérique et Asie).

L’extension mondiale du christianisme

À l’échelle de la planète, le christianisme sous toutes ses formes (catholicisme, protestantisme et orthodoxie) est le plus répandu. Présents sur tous les continents presque à parts égales, les chrétiens vivent pour un quart en Europe, un quart en Afrique et un quart en Amérique latine. Mais il subsiste au Moyen-Orient les descendants des premières communautés chrétiennes, rappelant le foyer originel de cette confession, dont le nombre se réduit aujourd’hui comme une peau de chagrin sous l’effet des guerres et du terrorisme islamiste.

À l’inverse du christianisme, les autres grandes religions sont beaucoup plus concentrées territorialement. L’islam, également très étendu dans l’espace, a toutefois près de 62% de ses fidèles en Asie et 20% dans les régions du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord. La troisième religion mondiale, l’hindouisme, se cantonne pour sa part essentiellement à la péninsule indienne.

Des dynamiques historiques et politiques

Cette géographie religieuse témoigne d’abord du prosélytisme des deux principaux monothéismes aux visées universelles, et à certains égards du bouddhisme, l’hindouisme par son histoire étant resté lié à la civilisation indienne. Ensuite, elle révèle des dynamiques à la fois historiques et politiques. La diffusion du christianisme depuis son foyer oriental dans l’Empire romain contribue à le rendre en moins d’un millénaire une religion européenne et ainsi à en faire basculer le centre névralgique de l’Orient à l’Occident. Son expansion au Nouveau Monde s’opère dans le sillage des grandes découvertes grâce à l’apport des puritains à la recherche de leur terre promise et au rôle des missionnaires jésuites. Des missionnaires que l’on retrouve lors de la colonisation européenne de l’Asie et de l’Afrique. L’essor du catholicisme en Amérique latine et en Afrique a largement bouleversé un modèle historique centré sur l’Europe occidentale et sa hiérarchie, et que l’élection du pape François d’origine argentine semble aujourd’hui contrebalancer.

De même, l’islam connaît dès son avènement au VIIe siècle une phase de déploiement multidirectionnel (Asie, Afrique, puis Europe) justifiée par la nécessaire transmission de l’ultime révélation donnée par Dieu à Mahomet. Les échanges commerciaux entre la péninsule arabique et les pays du pourtour de l’océan Indien participent à sa propagation à partir du XIe siècle en Afrique orientale, Asie du Sud et de l’Est. Depuis 1945, ce sont les mouvements migratoires de travailleurs originaires du monde arabe qui expliquent sa diffusion à l’Europe et dans une moindre mesure à l’Amérique du Nord. Dans l’autre sens, l’arrivée de migrants originaires des Philippines ou du sous-continent indien dans les monarchies pétrolières du Golfe contribue à la diffusion du catholicisme, du bouddhisme et de l’hindouisme en terre d’islam, pas toujours de façon légale, le prosélytisme religieux y étant proscrit. À l’exception de l’Arabie Saoudite, les lieux de culte des autres religions y sont tolérés. Le Vatican entretient d’ailleurs des relations diplomatiques avec le Qatar, les Émirats arabes unis et Bahreïn depuis les années 2000.

Sécularisation et fondamentalisme

Aujourd’hui, les principales dynamiques religieuses sont de deux ordres : le processus de sécularisation dans bon nombre d’États occidentaux et l’émergence de fondamentalismes religieux, qu’il s’agisse de mouvements prosélytiques évangéliques ou extrémistes musulmans. La sécularisation ne fait pas tant disparaître les religions que contribuer au changement des pratiques vers de nouvelles formes de religiosité où l’individualité est plus grande et peut s’exprimer par la participation à des actions humanitaires ou à des mouvements mondialisés telles les Journée mondiales de la jeunesse (JMJ). Les fondamentalismes, eux, sont source de tensions majeures, notamment dans le cas de l’islam, où la violence est utilisée au nom de la pureté de la religion pour sa défense et prend souvent la forme d’actes terroristes.

Frank TETART, Atlas des religions, Passions identitaires et tensions géopolitiques, Paris, éditions autrement, 2015, p.52-53.

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