Ultime question : cette culture de la célébrité rend-elle les individus heureux ? Il est à craindre que non, car finalement, elle ajoute une contradiction supplémentaire aux mécanismes de la société contemporaine. Dans la promesse d’Internet et des réseaux sociaux, certains peuvent entendre la promesse du « tous connu ». Une espérance à la hauteur de ce qui représente aujourd’hui l’un des buts ultimes de l’existence, mais une espérance condamnée à être déçue. C’est là le nouveau paradoxe de la société contemporaine : demander à chacun de veiller à sa notoriété, alors qu’en la matière, il ne peut y avoir que peu d’élus. Quelle conséquence pour cette situation ? Le développement de pathologies du narcissisme, l’impression dominante de ne compter pour rien, de ne pas être reconnu. Cette société qui ne parvient pas à honorer ses promesses génère un type de malaise inédit. Ce ne sont pas seulement les émissions de télé-réalité qui regorgent d’individus malheureux de ne pas être (assez) connus. La société toute entière semble souffrir de ce manque. Anonyme ou pas, nombreux sont ceux qui déplorent aujourd’hui leur manque de célébrité.
Guillaume ERNER, La souveraineté du people, Paris, Gallimard, 2016, p. 260.