On discute, on réfléchit à haute voix… et après ?
Ce pourrait être une boutade : “l’oralité est aux nouvelles pratiques philosophiques ce que la philosophie est à sa propre pédagogie, un incontournable”. Plus sérieusement, omniprésente dans la pratique de la philosophie avec les enfants, l’oralité a cette belle vertu de donner la parole aux apprenants en instaurant un équilibre qui, pour les plus frileux, permet de créer un espace d’échanges régulés et, pour les plus aventureux, de se déclarer maître ignorant.
Pour ma part, j’avoue avoir toujours éprouvé des difficultés avec les discussions en groupe dont la finalité n’était pas clairement esquissé à l’avance. Contrairement à ce que je pensais, cet inconfort ne réside pas dans le fait même d’échanger et de pérégriner. Il se situait, en fait, dans l’absence de traces de ce qui a été fait. Bien sûr, de nombreux dispositifs incorporent des observateurs dont la mission est de retranscrire ce qui y a été dit… mais cette approche ne me satisfaisait pas.
Seule l’approche Agsas-Lévine trouva grâce à mes yeux avec son système de dictaphone. En revanche, les buts visés par ces dispositifs ne correspondaient pas du tout à mes intentions pédagogiques et à ma vision de la philosophie. C’est donc pour cette raison que, reprenant le principe du dictaphone, je me suis mis à l’utiliser dans des exercices de conceptualisation et de prise de position argumentée. Le but est simple : troquer le kairos (saisir le bon moment, la bonne occasion) pour une approche différée dans le temps. Pour mieux vous en rendre compte, je vous propose de découvrir un enregistrement fait à partir de ce dispositif où les élèves ont réfléchi autour de la notion de deuil.
D’une durée d’un peu moins de 20 minutes, le dispositif se poursuit avec un travail écrit de la part des élèves où, ayant accès à l’enregistrement, ils doivent produire un texte qui présente les éléments importants de la notion de deuil. Plus simplement, ils doivent conceptualiser de manière assez libre à partir de ce que nous avons fait dans cet atelier, de leur vécu, mais également des réflexions que nous avons pu avoir lors des interprétations du jeu Gris.

Côté animation, rompant avec la posture habituelle qui vise à faire émerger des gestes philosophiques, je me suis contenté de relancer la conversation en utilisant les éléments concrets et qui semblaient faire l’unanimité pour les interroger. Ainsi, partant de la question Qu’est-ce que le deuil ?, j’ai ensuite demandé Quel conseil donneraient-ils à quelqu’un pour qu’il fasse son deuil ?, pour ensuite amener la réflexion sur le présupposé d’une obligation à faire son deuil et à considérer que ne pas le faire serait une forme de déni.
Encore assez expérimental – du point de vue de l’animation – il est tout de même à noter que le dictaphone, par la possibilité qu’il permet à s’écouter de nouveau offre une autre dimension à la réflexion, celle de pouvoir revenir sur quelque chose de précis, de creuser un filons qui n’a pas été exploré et ce, sans empêcher les apprenants d’être dans une écoute active (qui est renforcée par l’aspect cérémoniel).
On vous explique tout bientôt dans un article de la partie Ressource du site.