(L’ouverture d’esprit) peut être définie comme la liberté vis-à-vis des préjugés, de la partialité et d’autres habitudes du genre de celles qui rendent l’esprit étroit et peu disposé à prendre en considération de nouveaux problèmes et à envisager de nouvelles idées. Mais il s’agit de quelque chose de plus actif et de plus positif encore que ce que suggèrent ces mots. Il ne s’agit pas d’avoir l’esprit vide. Si c’est bien d’une ouverture à de nouveaux sujets, faits, idées et questions qu’il s’agit, ce n’est pas le genre d’ouverture que l’on pourrait signaler sur une pancarte où l’on inscrirait « Entrez sans frapper ; la maison est vide ». Cette attitude doit se traduire par le désir actif d’écouter plus d’un son de cloche, de prendre en considération des faits, quelle que soit leur provenance, d’accorder toute son attention aux différentes possibilités, d’admettre que nos croyances, mêmes celles qui nous sont le plus chères, peuvent être erronées. L’apathie mentale constitue l’un des facteurs les plus importants de fermeture d’esprit face aux nouvelles idées. La voie de la moindre résistance et du moindre effort est une ornière déjà creusée dans notre esprit. Entreprendre de bouleverser nos vieilles croyances exige un travail pénible. La vanité nous pousse à considérer comme un signe de faiblesse le fait d’admettre qu’une croyance à laquelle nous avons adhéré puisse être fausse. Nous finissons par nous identifier littéralement à cette « chose » : nous nous engageons dans sa défense et fermons les yeux et les oreilles de l’esprit à tout autre chose. Nos craintes inconscientes nous amènent aussi à adopter des attitudes purement défensives formant une armure qui nous ferme à toutes nouvelles observations. Ces forces ont pour effet cumulatif de barricader notre esprit et de nous couper de tous les nouveaux contacts intellectuels indispensables à l’apprentissage. Le meilleur moyen de les combattre est de cultiver cette curiosité active et cette recherche spontanée de la nouveauté qui constituent l’essence de l’ouverture d’esprit. Un esprit qui n’est ouvert qu’au sens où il accepte passivement les idées qui le traversent se révélera incapable de résister aux facteurs qui contribuent à l’étroitesse d’esprit.

John Dewey, How to think, Mass., DC Haeth and Company, 1960, pp. 30-31.

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