Intuition

Je ne parle pas de « mon intuition » mais de « l’intuition ». Elle est pour moi un espace magnifique auquel j’ai accès, comme tout artiste, de façon très personnelle. Je sais depuis longtemps qu’elle n’est pas ma propriété : je ne suis que l’outil qui lui permet de produire des images, des idées. Je dois ensuite utiliser la logique, la pensée rationnelle, pour faire le tri dans tout ce que l’imagination me procure. Ce n’est pas seulement l’originalité des idées qui compte mais la façon de les utiliser, au bon endroit, au bon moment.
L’intuition doit être contrebalancée par la raison. L’une ne va pas sans l’autre. Un film qui serait uniquement le résultat de l’intuition aurait peut-être une certaine beauté, avec des moments probablement très intense, mais il serait tellement confus et chaotique par ailleurs qu’il ne tiendrait pas. À l’inverse, un film purement rationnel peut donner satisfaction sur le plan conceptuel, séduire par sa structure, être commercialement efficient, mais il n’a pas de cœur, pas d’âme, pas de vrai feeling : cette dimension qui rend le film « spécial ».

Naturellement, dans la vie de quotidienne, nous ne cessons de procéder par allers-retours entre l’intuition et la raison. Nous ne sommes pas tout le temps dans notre tête, ni tout le temps dans notre cœur, mais un peu dans les deux.

Xavier KAWA-TOPOR, Ilan NGUYEN, Michael Dudok De Wit le cinéma d’animation sensible, Entretien avec le réalisateur de la tortue rouge, Bordeaux, Capricci, 2019, p. 164.

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