L’expérience esthétique est une expérience imaginative. Ce fait, associé à une idée fausse de la nature de l’imagination, a contribué à masquer le fait plus général que toute expérience consciente recèle à quelque degré une qualité imaginative. Car si toute expérience s’enracine dans l’interaction de la créature vivante avec son environnement, elle ne devient consciente et ne forme la matière d’une perception que quand elle se charge de significations dérivées d’expériences antérieures. L’imagination est la seule porte par laquelle ces significations peuvent se frayer un accès à une interaction en cours; ou mieux, comme on vient de le voir, l’ajustement conscient entre l’ancien et le nouveau est l’imagination. L’interaction entre le vivant et son environnement se rencontre dès la vie végétative et animale. Mais l’expérience déployée n’est humaine et consciente que quand ce qui est donné ici et maintenant s’enrichit des significations et des valeurs tirées de ce qui est en fait absent et seulement présent par l’imagination.

John DEWEY, L’art comme expérience, chapitre XII un défi pour la pensée philosophique, traduction Jean-Pierre Cometti, Christophe Domino, Fabienne Gaspari, Catherine Mari, Nancy Murzilli, Claude Pichevin, Jean Piwnica et Gilles Tiberghien, Paris, Gallimard, 1934, p. 441.

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