L’empathie émotionnelle (dès 1 an, 1 an et demi).
Elle apparaît chez l’enfant au moment où il accède à la reconnaissance de sa propre identité, distincte de celle d’autrui. Avant ce moment, il s’agit de contagion émotionnelle plutôt que d’empathie. La contagion émotionnelle permet au bébé de sourire quand sa mère lui sourit, d’échanger des mimiques avec elle et d’éprouver les émotions correspondantes, mais il n’a pas encore acquis la capacité de pouvoir faire une nette différence entre l’autre et lui, bien que quelques chercheurs soient convaincus que cette capacité existe dès la naissance.
Serge TISSERON, Le jour où mon robot m’aimera, vers l’empathie artificielle, Paris, Editions Albin Michel, 2015, p. 25.
L’empathie cognitive (aux alentours de 4 ans et demi).
Elle lui permet de comprendre qu’un point de vue différent sur le monde s’accompagne d’une représentation différente de celui-ci. Elle permet par exemple à l’enfant de comprendre qui si un examinateur pose une tortue sur la table et que lui, l’enfant, voit la tête de la tortue, l’examinateur qui est en face de lui voit le postérieur. Ce raisonnement évident pour l’adulte ne l’est pas chez le jeune enfant. Lorsqu’il l’acquiert, il accède aussi à la capacité de comprendre que son interlocuteur peut avoir des raisons différentes d’éprouver les mêmes émotions que lui, ou qu’il en éprouve d’autres.
Serge TISSERON, Le jour où mon robot m’aimera, vers l’empathie artificielle, Paris, Editions Albin Michel, 2015, pp. 27-28.
Le changement de perspective émotionnelle (aux alentours de 8 à 12 ans).
C’est la troisième composante de l’empathie directe, après le partage émotionnel qui permet d’identifier les émotions d’autrui, et l’empathie cognitive qui permet d’en comprendre les raisons. Elle nous permet de nous imaginer à la place de l’autre et semble se mettre en place de façon privilégiée entre 8 et 12 ans. Alors que l’empathie émotionnelle permet de dire par exemple : « Je vois que tu es triste », et l’empathie cognitive : « J’en comprends les raisons », le changement de perspective émotionnelle s’accompagne de cette conviction : « A ta place, je le serais aussi. » Cette capacité qui nous amène à nous préoccuper d’autrui introduit la possibilité de l’empathie morale.
Serge TISSERON, Le jour où mon robot m’aimera, vers l’empathie artificielle, Paris, Editions Albin Michel, 2015, p. 30.
L’empathie altruiste et la question morale.
L’acquisition du changement de perspective émotionnelle dans le développement de l’enfant permet d’aborder la question de l’empathie morale, autrement dit de l’altruisme. Celui-ci correspond à la décision de nous orienter vers une utilisation de notre empathie émotionnelle et cognitive dans celui d’un bien vivre-ensemble plutôt que dans celui d’une manipulation permanente de notre entourage. Pour cela, l’empathie doit inclure la dimension de la réciprocité. Grâce à l’acquisition du changement de perspective émotionnelle, je peux accepter que l’autre puisse se mettre à ma place, quels que soient les risques subjectifs, et parfois objectifs, que cette posture me fait redouter. L’empathie réciproque est fondamentalement acceptation de la liberté de l’autre.
Serge TISSERON, Le jour où mon robot m’aimera, vers l’empathie artificielle, Paris, Editions Albin Michel, 2015, p. 33.