En intégrant aux récits filmés un certain nombre de critères culturels et en tenant compte de quelques mécanismes psychologiques précis, ces nouveaux mégaconglomérats culturels déterminent, à l’avance, le degré d’acceptation de leurs productions dans le marché mondial.

Ce type de production exige la subordination des créateurs, en particulier des scénaristes et des réalisateurs, aux choix et aux décisions des managers commerciaux. L’évaluation du produit, son « profil », se déterminent en amont selon des critères purement bureaucratiques, relevant des lois du marché, du commerce et du marketing. Cela suppose l’élimination impitoyable des créations les plus « fragiles », celles destinées à des groupes trop restreints de spectateurs.

De la sorte, la plupart des films de recherche formelle, lorsqu’ils parviennent sur un grand écran, rencontrent de plus en plus l’incompréhension, et même l’hostilité, d’un large public. Déformé par les lois rhétoriques du cinéma de masse, ce public se voit soudain confronté à un langage original et singulier, qu’il ne peut que percevoir comme abscons, incompréhensible, étrange.

Dans le système actuel, les œuvres filmiques trop originales ou trop personnels ne sont point encouragées. En revanche, les nouveaux géants médiatiques stimulent les sensibilités moyennes qui demeurent attachées à des valeurs traditionnelles (éthiques, morales, narratives, rhétoriques, romanesques, dramaturgiques) indiscutées et ressassent à l’infini ce qui est, sans résistance, admis de tous.

Le contenu de ces films de masse s’édifie sur des thèmes d’intérêt général, ne relevant souvent, à proprement parler, d’aucune culture particulière.

Ignacio Ramonet, Propagandes silencieuses, Paris, Gallimard, 2004 (2000), pp. 10-11.

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