La tendance prédominante chez les usagers est de soutenir toute rumeur, vérifiée ou non, explicitement ou implicitement, probablement en raison de l’intérêt social qu’elle suscite dès le départ et de son impact potentiel (y compris en termes de notoriété pour les premiers rediffuseurs). Ils semblent en revanche s’investir peu dans la diffusion des démentis, un manque d’intérêt qui confirme bien le poids plus important de la valeur de partage sur la valeur de l’information. Les conversations sur le sujet qui a été l’objet de la rumeur peuvent continuer longtemps après sa diffusion, notamment du côté des « sceptiques », qui persistent dans le déni et la réfutation de la réalité des faits, et laissent la charge de la preuve à ceux mis en cause par cette rumeur.

Les usagers les plus suivis (et donc les plus importants influenceurs) sont les agences de presse et les médias de masse. Ils publient des commentaires extensifs sur ces rumeurs, qu’elles soient confirmées ou dénoncées, preuves à l’appui, en bénéficiant d’un certain degré de confiance, même si celles-ci peuvent s’avérer sans substance et renforcer ses rumeurs dans un deuxième temps. Ces observations confirment la pression pesant sur les journalistes et les producteurs de l’information, dont les méthodes de travail semblent avoir migré de la vérification pré-publication à la correction post-publication (comme chez les autres internautes).

Trois motivations expliquent principalement la propagation de la malinformation par les usagers. Pour certains, c’est le besoin de se « promouvoir » : livrer « un scoop » procure un certain prestige et un gain de réputation et de gratification. Pour d’autres, il s’agit de maîtriser leur peur et de se rassurer en période d’incertitude : le danger collectif partagé permet d’affronter les faits et leurs implications anxiogènes. Enfin, pour d’autres encore, il s’agit d’alimenter le lien social : la communication émotionnelle de surprise ou de la peur permet l’échange de valeurs communes au sein d’un même groupe, notamment face à l’étranger à ce groupe.

Divina FRAU-MEIGS, Faut-il avoir peur des fake news ?, Paris, La documentation française, collection doc’en poche place au débat, 2019, pp.113-114.


Les mécanismes de la malinformation que sont les chambres d’écho, ces espaces dédiés à des communautés de croyances propices à la propagation, et les bulles de filtres, ces écosystèmes d’information, personnalisés et propices à l’auto-validation, se confirment aussi, parmi des groupes mobilisés sur des sujets clivants comme le complotisme. […]

En ourte, plus un usager polarisé est actif sur un sujet particulier, plus il a d’amis aux profils et comportements similaires.

Les décisions des membres d’un groupe en matière de propagation de contenus créent des cascades d’informations bien identifiables. Cette agrégation d’information préférées au sein des communautés tend à renforcer l’exposition sélective et la polarisation : leurs memebres sont enclins à assimiler seulement les arguments de confirmation et à ignorer les réfutations. Le renforcement des croyances complotistes après réfutation se manifeste par une augmentation de l’activité dans leur chambre d’écho. Cela se répercute aussi sur l’expression des émotions, qui ont tendance à être de plus en plus négatives à mesure que les individus demeurent plus longtemps dans la chambre d’écho. Autrement dit, plus un usager polarisé est actif, plus il sera porté vers des commentaires à valeur négative, quelle que soit la chambre d’écho considérée […]

Divina FRAU-MEIGS, Faut-il avoir peur des fake news ?, Paris, La documentation française, collection doc’en poche place au débat, 2019, pp.118-119.

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