Véritable plaidoyer pour une révolution copernicienne de l’éducation, ce livre évite pourtant les écueils du “y a qu’à”, “faut qu’on”. A travers ses réflexions sur le rôle de l’enseignant, sur la posture d’apprenant, sur ce que veut dire être en sécurité pour pouvoir se tromper et bien d’autres précisions sémantiques chirurgicales, Philippe Meirieu dresse les problématiques et les pistes de solutions qui sont au cœur de tout acte d’éducation.

Si la valeur du livre s’entend en termes pédagogiques, il est remarquable de voir que certaines de ses réflexions résonnent d’autant plus dans un cours de philosophie. Car à considérer le cours comme étant autre chose qu’une présentation brute de l’histoire des idées et de leurs penseurs ou qu’un espace de discussion régulé où l’important est d’apprendre à prendre la parole, l’enseignement de la philosophie et du philosopher, plus qu’aucun autre cours, vise une forme d’émancipation dans un cadre défini… ce qui ne se fait pas n’importe comment.

Divisé en trois parties, le livre se construit autour des figures de Frankenstein dans une utilisation pour illustrer les problèmes de l’éducation. Si nous parlons de figures au pluriel c’est pour relever, comme le fait l’auteur le caractère éminemment différent à parler de Frankenstein la créature et de Frankenstein le créateur.

Si la première partie s’attarde sur la présentation de concepts et de réflexions d’ordre pédagogique dont Frankenstein cristallise en sa figure les mythes, la deuxième partie se propose de tracer les grandes lignes d’une révolution copernicienne de l’éducation. Enfin la troisième et dernière partie s’apparente à un ensemble de conseils souvent résumés en aphorismes qui ont la saveur particulière des conseils de sages.

Ni présentation abstraite et éloignée des considérations professionnelles, ni compilation de trucs et astuces à appliquer au cas par cas, on lit Frankenstein Pédagogue comme on suit une conférence. Aux éléments théoriques succèdent bons mots d’esprit et autres références à des pédagogues, des philosophes ou encore à l’expérience et aux recherches de l’auteur lui-même.

Et c’est là peut-être la force de cet ouvrage, ou du moins de la lecture que nous en avons faite : son incroyable justesse dans sa manière de présenter les problématiques qui relèvent le plus souvent de conflits internes et intimes dans la pensée et la pratique du professeur. Jamais complaisante, jamais culpabilisante, l’approche de Philippe Meirieu relève de la tendresse tant pour les enseignants que pour les élèves qu’ils ont devant eux.

Nous l’avons dit et redit : on ne fabrique pas un sujet en accumulant des influences ou des conditionnements ; on ne fait pas un élève en ajoutant des connaissances ; on ne produit pas mécaniquement l’intention d’apprendre en aménageant des dispositifs. Mais on ne permet pas, non plus, à un sujet de se construire en étant indifférent aux influences qu’il reçoit, en le privant de connaissances ou en le laissant disposer de celles-ci à son gré, en s’abstenant de créer des situations d’apprentissage ou de communication, sous prétexte de respecter sa liberté et de ne pas galvauder la culture.

Meirieu, 2017, pp. 122-123.

En conclusion, ce Frankestein pédagogue nous semble convenir à tout pédagogue, à tout enseignant, tant en début de carrière qu’à des moments de “crise”. Avec ses quelques 123 pages, il est un incontournable, à notre sens, de toute bibliothèque d’enseignant

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