Le dilemme du prisonnier est un classique de la théorie des jeux. Il s’agit d’une situation fictive. Deux individus, X et Y, ayant commis un délit ensemble, sont incarcérés séparément sans pouvoir communiquer. Chacun des complices est confronté séparément à son juge sans savoir si l’autre avouera ou gardera le silence. On sait que si X dénonce Y et que ce dernier garde le silence, alors X sera libéré et Y purgera une peine de dix années de prison et réciproquement. S’ils avouent tous les deux et se dénoncent l’un l’autre, ils purgeront tous les deux une peine de cinq années de prison. S’ils gardent le silence tous les deux, ils écoperont d’une peine de six mois chacun, faute de preuve tangible.
On voit que la décision optimale serait de garder le silence et de n’encourir que six mois d’emprisonnement. Cependant, dans l’ignorance de ce que l’autre va faire, la tentation de dénoncer son complice en espérant que celui-ci gardera le silence, et d’être ainsi libéré, pourra être grande. Dans l’histoire, X et Y suivent le même raisonnement qui est loin d’être irrationnel et écoperont de cinq ans de prison ! S’ils avaient pu se coordonner, ils auraient sans doute opté pour un choix plus avantageux.
Ce dilemme constitue la matrice [le cœur] de toutes les situations où il existe un choix optimal, mais où les acteurs, parce qu’ils sont en concurrence, ne peuvent se coordonner les uns les autres, et tout en agissant aux mieux de leur intérêt individuel, aboutissent à une forme d’irrationalité collective.
Gérald BRONNER, La démocratie des crédules, Paris, PUF, 2013, p. 136.