Aurélien : Maintenant que l’on sait que beaucoup d’animaux ressentent la douleur physique et psychique, les hommes doivent se demander s’ils souhaitent continuer à leur infliger des tourments infinis. C’est une décision à prendre. Ce n’est pas un problème primitivement scientifique. La science nous dit ce que les animaux ressentent, mais elle ne nous dit pas ce qu’il faut faire avec ce savoir. C’est une question politique, éthique, et éventuellement légale. J’insiste sur ce point : il n’y aucune obligation à agir. On peut ne rien faire, et continuer à exploiter le monde animal. L’unique question est : sachant ce que nous savons, le souhaite-t-on ?

Aurélien BARRAU, Louis SCHWEITZER, L’animal est-il un homme comme les autres ? Les droits des animaux en question, Malakoff, Dunod, 2018, p. 27.


Aurélien : Oui, le point essentiel, me semble-t-il, consiste à voir que le droit entérine le fait que la question qui nous intéresse dépasse la volonté individuelle. Le choix du livre que l’on va lire le soir est une décision individuelle ; mais le choix de battre ses enfants avant d’aller se coucher ne relève plus de la décision individuelle, parce qu’il implique une autre personne, et que nous avons collectivement décidé que l’entrave à la liberté individuelle qu’implique l’interdiction de battre ses enfants est légitime. Ce n’est pas une loi de la nature. C’est une décision collective. Sans régulateur, la barbarie guette. Par exemple, ce n’est qu’assez récemment que l’on a interdit de casser la queue des bovins pour les obliger à avancer. Pour que cela entre dans la loi, on imagine que ce devait être une pratique hélas courante ! La question est de savoir si les tourments infligés aux animaux méritent que nous prenions la décision collective d’y mettre fin. Ou bien considère-t-on que cela relève de la liberté individuelle et que, pour l’essentiel, chacun est libre d’user à sa guise des vivants non-humains, comme en d’autres temps des esclaves. Nous avons franchi le pas de l’action humaine (encore que l’actualité montre qu’aucune barbarie n’est hélas définitivement révolue). Nous ne l’avons pas encore fait dans l’action animale.

Aurélien BARRAU, Louis SCHWEITZER, L’animal est-il un homme comme les autres ? Les droits des animaux en question, Malakoff, Dunod, 2018, pp. 27-28.


Que ressentent les animaux ?

On peut distinguer trois niveaux de sensibilité animale. Le premier est la perception d’une menace extérieure, qui entraine un réflexe d’évitement, comme l’escargot qui repliant une de ses « cornes » si on les touche. Le second est caractérisé par la capacité à ressentir une douleur. Il faut pour cela que les animaux disposent d’un système nerveux sophistiqué. On peut, en l’état actuel de nos connaissances, supposer que, outre les vertébrés (mammifères, oiseaux, reptiles et poissons) pour lesquels le fait est établi de longue date, certains mollusques, comme les céphalopodes (pieuvres, calmar…) ou crustacés (langouste, crabe…) ressentent une forme de douleur. Le troisième niveau concerne la souffrance, distinguée de la douleur en ce sens qu’elle relève d’un ressenti intime, et non plus de simples sensations. Cette souffrance est particulièrement difficile à identifier par les éthologues, mais il est aujourd’hui bien établi que les mammifères et les oiseaux l’éprouvent dans des situations d’angoisse, de frustration ou de contrainte.

Aurélien BARRAU, Louis SCHWEITZER, L’animal est-il un homme comme les autres ? Les droits des animaux en question, Malakoff, Dunod, 2018, p. 61.

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