Écouter

Peut-être verra-t-on à l’avenir un métier auquel on donnera le nom d’écouteur. Il sera payé à être à l’écoute des autres. On va chez l’écouteur parce qu’il n’existe plus personne d’autre pour écouter l’autre. Nous perdons de plus en plus, aujourd’hui, la capacité d’écouter. C’est surtout la focalisation croissante sur l’égo, la narcissification de la société, qui complique cette tâche. Narcisse ne répond pas à la voix aimante de la nymphe qui serait à proprement parler la voix de l’autre. Elle est ainsi corrompue au rang de répétition de notre propre voix.

L’écoute n’est pas un acte passif. Elle se caractérise par une activité particulière. Je dois commencer par souhaiter la bienvenue à l’autre, c’est-à-dire approuver l’autre dans son altérité. Ensuite, je suis à son écoute. L’écoute est un cadeau, un don, une donation. Elle seule aide l’autre à accéder à la parole. Elle ne suit pas de manière passive le discours de l’autre. D’un certain point de vue, l’écoute précède la parole. L’écoute seule amène l’autre à la parole. J’écoute déjà avant que l’autre parle, ou j’écoute pour que l’autre parle. L’écoute invite l’autre à parler, le libère de son altérité. L’« écouteur » est un espace de résonance dans lequel l’autre se libère par la parole. L’écoute peut ainsi être curative.

Byung-Chul HAN, L’expulsion de l’autre, Société, perception et communication contemporaines, trad. Olivier Mannoni, Paris, PUF, pp. 114-115.

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