La seconde grande caractéristique du comportement humain est l’escalade d’engagement, qui montre que l’on a tellement de mal à revenir sur une mauvaise décision que l’on persévère volontiers dans l’erreur. […]

L’explication de ces phénomènes n’est pas simple. Il peut s’agir d’amour-propre, de la volonté de ne pas perdre la face vis-à-vis d’une autorité ou de l’opinion publique. Il peut s’agir plus fondamentalement de la difficulté qu’ont tous les êtres humains à reconnaître et à admettre leurs erreurs, et d’une tendance- ou d’un besoin – d’autojustification, de rationalisation de leurs actes, qui pousse les individus à persévérer dans l’erreur plutôt que de reconnaitre leur erreur initiale. Il peut s’agir aussi de phénomène de la « dépense gâchée », c’est-à-dire du fait qu’un individu qui a déjà beaucoup investi sur une ligne de conduite est enclin à s’y tenir quand bien même d’autres lignes de conduite pourraient être plus avantageuses.

D’un point de vue plus théorique, ces effets de persévération peuvent plus largement s’expliquer par la théorie de l’engagement, formulée pour la première fois en 1971 par Charles Kesler, pour qui l’engagement est le lien déterminant entre l’individu et ses « actes comportementaux ». Cette théorie postule qu’un individu éprouvant un sentiment de liberté quant à ses choix sera d’autant plus enclin à persévérer dans ses décisions qu’il sera engagé à le faire sans attendre de récompense en retour, ni craindre de punition. La force de l’engagement est, au demeurant, inversement proportionnelle à l’importance de la récompense ou la punition éventuelle. Joule et Beauvois, qui ont repris à leur compte et développé cette théorie, parlent de « soumission librement consentie » pour traduire cette « forme de soumission particulièrement engageante qui nous mène à agir à l’encontre de nos convictions, à l’encontre de nos goûts, ou qui nous amènent à réaliser des actes d’un coût tel que nous ne les aurions pas réalisés spontanément ».

David COLON, Propagande, La manipulation de masse dans le monde contemporain, Paris, Belin, 2019, pp. 122-123.

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