A ce qu’il paraît (comme disent les jeunes), la jalousie serait une preuve d’amour. Mais est-ce bien le cas ? D’ailleurs, en quoi le serait-elle ? Si nombre de nos élèves voient dans cette affirmation une évidence teintée de vérité, ils sont bien plus rares à pouvoir exprimer clairement le lien profond qu’ils font entre la jalousie et l’amour. L’occasion est trop belle pour manquer de philosopher et de décortiquer cet adage populaire.
Durée estimée : 45 minutes.
Intention pédagogique : Partant d’un adage populaire sur le lien entre jalousie et amour, il s’agira de :
- décortiquer la question qui interroge le lien entre jalousie et amour.
- répondre à la question et se confronter à la réponse des autres.
- relever les sous-entendus et autres présupposés charriés par cette question et les réponses qui lui sont données.
Matériel nécessaire : Le document ci-dessous (un exemplaire par élève).
Mise en place et déroulement :
Phase 1 : Chaque élève reçoit une feuille. Dans un premier moment collégial, nous allons découper la question qui sera traitée et analyser chacune de ses parties. L’idée est de définir ce dont nous avons besoin pour répondre à cette question. De manière libre ou dirigée, on visera le découpage suivant :
- De quelle jalousie parle-t-on ? Qu’est-elle ? (Il ne s’agit pas de conceptualiser à fond la jalousie mais bien d’identifier la notion de jalousie visée ici).
- Qu’est-ce qu’une preuve ?
- De quelle forme d’amour parlons-nous ici ? (Idéalement la notion d’attachement devrait apparaître).
- Que veut dire “en quoi”, qu’est-ce que cette formulation de la question apporte de plus que la formulation : “La jalousie est-elle une preuve d’amour ?” (Le en quoi suppose de révéler des liens implicites).
- Le fait que la jalousie “serait” une preuve d’amour indique que nous faisons l’hypothèse que c’est le cas le temps de l’analyse.

Phase 2 : Par groupes de deux, les élèves vont tenter de répondre à la question. Pour ce faire, ils prendront un moment pour discuter avant de rédiger leur réponse. Quand tous les groupes ont terminé, on fait le tour de la classe en prenant soin de noter les idées qui sont données. A la fin de chaque présentation, on demandera aux autres groupes si la réponse donnée répond bien à la question.
Précision : L’idée de demander aux autres groupes si on a répondu à la question n’est pas tant d’amener une forme d’auto-régulation par le groupe que d’élever le niveau d’exigence quant à la précision des réponses données. Ainsi, dans le cadre de ma pratique, il arrive qu’aucun groupe ne réponde à véritablement à la question se contentant de “redéfinir” ce que serait la jalousie. Si aucun groupe ne répond à la question, on peut alors remobiliser la classe à partir des éléments de réponse donnés pour chercher un angle collectif de réponse.

Phase 3 : Quand tous les groupes ont proposé leur réponse, nous effectuons un retour sur la question afin d’en révéler les présupposés. Ainsi, nous essayons (collectivement) de déterminer ce qui est considéré comme “évident” et qui rendrait possible le lien entre la jalousie et l’amour. Pour donner des idées et du corps à cette partie, nous attirons l’attention sur les éléments de la jalousie qui ont été donnés et qui peuvent “mettre en scène” ces présupposés.
Par exemple : si la jalousie est, comme l’ont dit plusieurs groupes, quelque chose qui peut être négatif, une sorte d’intrusion, comment peut-on arriver à le transformer en quelque chose de positif ? Réponse donnée : car c’est montré qu’on tient à l’autre, si on ne montre pas qu’on tient à l’autre, il n’a pas vraiment de raisons de rester.
Sortie du dispositif : Bien qu’il permette de traiter le concept de jalousie dans les relations amoureuses, on ne peut considérer cet atelier comme complet. En effet, par les nombreuses portes qu’il risque d’ouvrir, il nous faudra explorer ces chemins possibles dont deux nous semblent évidents et complémentaires :
a) Explorer le rapport entre la jalousie et la confiance. Être jaloux, est-ce manquer de confiance ? Si oui, envers qui ? Ce sera alors l’occasion d’un travail de conceptualisation de la confiance.
b) Explorer et questionner le fait que “souvent” on s’en prend à la personne qui s’approche de l’être désiré/aimé plutôt qu’à lui ou elle. Davantage portée sur une approche socratique, ce questionnement permettra également de parler du rapport à la confiance (en soi, en l’autre), des codes et autres normes implicites dans nos sociétés et de comment on en prend connaissance.
Pour ce faire, une approche inspirée du dispositif Agsas-Lévine peut s’avérer fertile.
Esprit du dispositif et possibilité d’intégration dans des séquences et/ou d’en faire une accroche : Comme on peut le comprendre dans l’approche de cet atelier et par le caractère concret de l’objet qu’il traite, l’idée centrale est de prendre un objet très engageant pour en proposer un traitement critique et réflexif. Ainsi, si l’on peut voir des enjeux liés à la capacité à conceptualiser et à des débuts de problématisation, il semble important de garder une proximité avec l’objet initial au niveau de son traitement. Autrement dit, il apparaît important que les réflexes philosophiques d’abstraction et de mise à distance n’entrent pas trop vite en scène au risque de perdre la spontanéité des intervenants et de rater l’objectif initial proche d’une approche pop’philosophique.
En résumé, l’idée centrale est moins celle d’une réponse sublime au questionnement de base qu’une expérience d’arrachement à des réflexes propres aux croyances de la vie de tous les jours. Entendu en ce sens, cet atelier se présente comme une porte d’entrée idéale à un ensemble d’ateliers qui viseraient la conceptualisation voire la problématisation de la jalousie dans le couple, de son lien avec la confiance (ou plutôt les confiances) mais également des mécanismes de séduction voire de l’évolution du couple et de ses comportements dans le temps.