Et si vous ne vous réveilliez qu’un jour sur deux ? Que se passerait-il, seriez-vous encore vous ? Et si quelqu’un d’autre vivait ces jours où vous ne vous réveillez pas, qu’il ne soit pas vous, mais qu’il vive sa vie, comment le prendriez-vous ? Comment le vivre tant au niveau des relations sociales qu’au niveau des relations professionnelles ? Autant de questions qu’abordent ce superbe récit d’un jeune auteur dont les productions ne cessent de séduire un public de plus en plus large. C’est qu’en quelques bandes dessinées, Timothé Le Boucher impose des thèmes en plus d’un style.

Au-delà de son trait particulier qui a pu en rebuter certains, il est notable que le style graphique et esthétique de Timothé Le Boucher est assez reconnaissable. Toutefois, arrêter l’analyse ici serait contre-productif tant l’auteur prend soin de maturer ses personnages et les dialogues à travers lesquels ils se révèlent. Ce soin, de l’aveu même de l’auteur, est fondamental à repérer pour comprendre la particularité des thèmes qui traversent ces derniers ouvrages à savoir l’identité et la relation à l’autre.

Dans Ces jours qui disparaissent, la thématique sera abordée au travers de la question du temps qui passe et des ces actes qui nous définissent. En prenant de front la question Qui suis-je ? où la continuité du temps n’est pas assurée, l’auteur nous plonge, du moins c’est notre sensation, au cœur de la question de la légitimité à revendiquer l’identité d’un corps. Sous ces atours très métaphysiques et psychologisants, la question de l’identité sera également élaborée autour de l’identité sociale, des relations et du rôle de chacun dans la société. C’est en effet un propos assez inattendu, qui rend le récit dur à certains égards, mais en faisant de son personnage un saltimbanque, l’auteur oppose plusieurs modèles de société avec, en toile de fond, l’expertise psychologique dont on ne sait si elle est scientifique ou intéressée, mais surtout, dont on se demande qui elle sert ?

On l’aura compris, Ces jours qui disparaissent est une œuvre très particulière qui, partant d’une idée assez géniale, propose un voyage de réflexions sur des questions qui pourraient sembler lointaines… Un auteur à découvrir d’urgence à travers ses autres œuvres, elles aussi très prometteuses pour la réflexion.

Une brève analyse pour se donner des idées

Pour aller plus loin dans la présentation de cette œuvre unique, on pourra souligner la dimension existentielle qui la traverse de part en part. Dans ce récit, l’auteur nous propose de voir, à la hauteur d’un homme, la lente disparition de son futur et des potentialités qui lui sont offertes.

En effet, si dans un premier temps, le temps de la parité, « Lubin 1 » et « Lubin 2 » s’accommodent bien l’un de l’autre, la relation deviendra de plus en plus complexe et toxique au fur et à mesure que la vie de Lubin 1 « rétrécira ». D’abord sous le régime d’un jour sur deux, l’alternance de la possession du corps se fera de plus en plus largement au détriment de Lubin 1 qui n’occupera plus son corps qu’un jour sur plusieurs semaines, mois puis années.

Cette idée, en plus d’être narrativement fertile de par le suspens qu’elle installe, est d’une incroyable richesse philosophique et permet une très belle illustration du mouvement existentialiste. A bien des égards, la figure de Lubin 1 rencontre l’idée que l’on peut se faire de cet homme condamné à être libre. Empruntant la célèbre formule de Sartre, nous voudrions souligner ici le potentiel philosophique de ce personnage qui, voyant son avenir disparaitre peu à peu, décide de vivre intensément chaque jour. Loin des aphorismes qui nous invitent à vivre chaque jour comme le dernier, « Lubin 1 » a un rapport au présent qui espère l’avenir sans certitude de le vivre. Chaque jour compte et rend son engagement dans le monde total.

Une chouette analyse pour se donner envie de lire. Nous ne partageons toutefois pas entièrement l’analyse donnée à cause de son orientation « trop » sociale.

Une exploitation pour questionner l’identité

D’un point de vue « scolaire », on peut exploiter des parties de cette bande dessinée pour questionner notre représentation de l’identité. L’idée est alors de présenter deux extraits (si on ne peut matériellement pas faire lire toute la bande dessinée aux apprenants) qui montrent deux points de vue différents sur l’identité « réelle » de Lubin. Partant de leur intuition, on questionnera les raisons qui font dire aux élèves lequel des deux Lubin est « le vrai ». De là, on engagera une réflexion philosophique sur la nécessité que nous avons (et les raisons de cette nécessité) à considérer qu’un serait plus légitime que l’autre. Ce sera alors l’occasion d’introduire à des notions philosophiques telles que « sujet », « personnalité », « identité ». Si cette approche vous intéresse, nous vous invitons à consulter l’atelier que nous avons mis en place dans nos classes.

Une interview pour découvrir l’auteur et son processus de création

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