3.1.6 Relation sociale et politique à l’environnement
Compétences visées
Identifier et expliciter les relations de l’humain avec son environnement
naturel et culturel.
Il s’agira d’être capable de déterminer pour des cas précis (fast-food, rapport à la viande, aménagement du territoire) le type ou les types de relation humain-environnement (politique, historique, économique, sanitaire, etc.) ainsi que d’expliciter la particularité de cette relation pour une compréhension générale de la relation humain-environnement.
Justifier une prise de position dans la relation sociale et politique à
l’environnement.
Il s’agira d’être capable d’argumenter une prise de position concernant un enjeu lié à l’environnement (cantines végétariennes, accroissement de la surface des espaces protégés, …) en regard des types de relation entre l’humain et son environnement et de leurs particularités.
En guise d’accroche
Parmi les mille manière d’aborder les questions liées à l’environnement, nous avons choisi de parler des fast-foods pour la simple et bonne raison qu’ils colonisent l’imaginaire et l’environnement de nos centre-villes. Ainsi, parler des fast-foods, de leur histoire et des avis que l’on porte sur eux permet de les montrer comme résultats d’une histoire et est révélateur d’enjeux politiques, économiques et écologiques. Ce sera également l’occasion de proposer un premier panorama des aspects que de notre rapport à la nourriture où manger c’est plus qu’ingérer de la nourriture.
Mondialisation et uniformisation
Ce premier panorama réalisé, il s’agira de se doter d’outils conceptuels pour bien comprendre la particularité de notre époque et de notre situation géographique. En effet, si des inquiétudes liées au soft power culinaire et autres dilutions des particularités dans l’uniformisme des grandes enseignes rythment les discussions de pays économiquement dominants, il ne faudrait pas oublier que tout le monde n’a pas la possibilité de manger de la même manière sur la planète.
Ne pouvant traiter cet aspect dans le temps imparti à une séquence, nous la réserverons à d’autres U.A.A. pour nous focaliser sur un aspect anthropologique et culturel : le rapport à la viande.
Doc’utiles
Une première conclusion (si l’on veut insister sur les fast-foods)
La vidéo de l’émission Le dessous des cartes sur le café
Focus : Le cas de la viande
Fait de plus en plus contesté dans nombre de sociétés puissantes du point de vue économique, la surconsommation de la viande, voire sa consommation tout court, est assez souvent au cœur d’articles de journaux, de « polémiques » sur les réseaux sociaux et d’interrogations tant politiques que philosophiques.
S’il n’y a pas une bonne manière de traiter une approche de la consommation de viande (doit-on alerter, militer, informer, contre-argumenter, s’en ficher, … ?) il apparaît que cette approche ne peut faire l’économie d’une documentation solide et étayée. En effet, par la place qu’elle prend dans notre société, la consommation de viande charrie un imaginaire qu’il est difficile de remettre en question au risque de passer pour un pisse-froid ou un ascète quand bien même nous ne faisons que la remettre en question sans visée normative… Il est d’ailleurs assez remarquable, à ce titre, que le végétarisme est mieux accepté s’il est lié à une pratique religieuse (bouddhisme, hindouisme) plutôt qu’à une éthique personnelle.
On pourra donc exploiter les différents documents selon la visée souhaitée. Il peut s’agir d’une réflexion globale, mais animée, avec la classe sur la place de la viande où les documents peuvent servir de repères, d’informations complémentaires. On peut également envisager un travail de groupe dont la visée sera de remplir le tableau de la page 10, il faudra alors s’assurer que les documents, surtout leur raison d’être, soient bien compris. Enfin, on peut aussi, en tant que professeur, en faire une explication synthétisée et narrée ce qui renvoie les élèves à une relecture à l’envie ou obligatoire en fonction des visées pédagogiques de cette exploitation.
Dans tous les cas de figure il semble important de prendre le temps de faire comprendre au moment de la synthèse de la page 10 que les aspects soulevés ne peuvent se réduire à de simples exemples. L’expérience montre que si une partie des élèves comprend que la spécificité des aspects de notre rapport à la viande éclaire des futures problématiques dans lesquelles ils peuvent être convoqués, un nombre non-négligeable a tendance à se contenter d’énoncer les exemples liés à ces aspects. Ainsi, pour l’aspect religieux, il se contenteront de dire que telle ou telle religion a telle ou telle pratique alimentaire et n’aborderont pas le fait que cette pratique est le résultat d’une représentation du monde et du rapport à l’animalité. Pratique elle-même basée sur des traditions, des croyances, une foi, etc.
Nous sommes des animaux parmi d’autres dans des écosystèmes et nous capturons de l’énergie comme les autres animaux sauf que, apparemment, nous l’avons fait un peu mieux que les autres espèces vivantes autour de nous, que les autres prédateurs, que les autres animaux. Nous l’avons fait un peu mieux de deux façons : soit en chassant des proies pour notre alimentation directe, soit en nous dégageant des prédations, c’est-à-dire en évitant le fait que nous soyons mangés par d’autres.
[…] Tous nos cousins ont, d’après l’anthropologie, commencé à un petit peu, progressivement, réduire la complexité des écosystèmes autour d’eux en faisant deux choses. En mangeant les mêmes proies que les autres ce qui fait qu’ils empêchaient les autres animaux de se nourrir aussi bien qu’avant, donc ça réduisait la population des autres animaux indirectement. Et nous avons appris à les chasser beaucoup mieux, ils ont commencé à disparaître ou à se réduire en quantité autour de nous.
[…] Plus proche de nous, il y a 5000 ans, il y avait de petits éléphants sur l’île de Tilos en Grèce. Encore plus proche de nous, si en Grèce on a les représentations des lions, ou si les lions sont présents dans les récits des mythologies grecques, ce n’est pas parce que les Grecs allaient chercher des lions en Afrique pour les ramener, c’est parce qu’il y avait des lions du sud de la France jusqu’à l’Asie qui cohabitaient avec les civilisations antiques et en particulier en Grèce. Évidemment, lorsque les villes se sont étendues, lorsque l’agriculture s’est étendue, il y a eu de moins en moins de place libre pour que la faune autour de nous continue à exister avec nous. Ce n’était plus possible à partir d’une certaine densité d’occupation de l’être humain.
Vincent Mignerot, L’effondrement : inéluctable ? conférence du 17/10/2019, retranscription JD Oste, https://youtu.be/9ME2gHHEdH8



LES ANIMAUX POUR NOURRIR LES HUMAINS
Viandes, volailles, poissons et fruits de mer ont été sélectionnés par la plupart des humains pour leurs goûts et leur apport nutritionnel (acides gras, minéraux et oligoéléments, vitamines et protéines y compris d’origine lactées). L’élevage des animaux a été conçu par les sociétés pour se défaire des contraintes liées à la chasse, pour satisfaire les organisations rituelles de certaines religions et, plus simplement, parce que certains animaux recherchaient la compagnie des humains qui, souvent, les nourrissaient. Au début du XXIe siècle, près de trois quarts des surfaces agricoles du monde sont dédiées à l’alimentation animale (production de céréales et légumineuses), ainsi qu’aux parcours et prairies pour les animaux, surtout là où l’agriculture de plein champ est limitée par le froid et la sécheresse. 300 millions de pasteurs et nomades déplacent encore leur bétail dans le monde pour utiliser la force de traction ou les sous-produits comme le lait, la viande, le cuir, les peaux et les laines. Cela a contribué à créer des métiers spécifiques pour l’abattage et la préparation des produits carnés et lactés, principalement dans les villes, métiers adossés à des commerces de gros et de détail dont certains sont organisés en filières. Mais depuis un siècle, la part de l’élevage qui vient aujourd’hui de pratiques intensives, sous forme de confinement spatial des animaux pour une gestion plus rapide des troupeaux, s’est accrue et est de plus en plus contestée.
Gilles FUMEY, Pierre RAFFARD, Atlas de l’alimentation, Paris, CNRS éditions, 2018, p. 99.

Le Boeuf écorché est l’un des rares tableaux que Rembrandt gardera jusqu’à sa mort dans son atelier. Cette peinture sur le vif d’un animal pendu en croix comme un condamné romain donne à penser, à l’aube de la révolution agricole (et industrielle), au statut de l’animal. Un animal qui ne sera plus sacrifié dans un cadre rituel pour sa chair, comme le recommandaient les grandes religions. Mais qui sera pensé comme une ressource fournissant de la viande. Visionnaire !
Gilles FUMEY, Pierre RAFFARD, Atlas de l’alimentation, Paris, CNRS éditions, 2018, p. 98.
Un monde qui a faim de viande
La consommation mondiale de viande est de 324 Mt en 2018 contre 67 en 1957 soit une multiplication par 5 en 60 ans. Toutefois la consommation de viande par an et par habitant diffère sensiblement d’un endroit à l’autre : 80 kg en moyenne dans les pays de l’UE, 100 kg aux États-Unis pour 5,5 kg en Inde mais 53 kg pour la Chine qui est désormais le premier importateur mondial de viande. Pour la FAO, la consommation devrait progresser de 15% de 2018 à 2028 et atteindre 470 Mt en 2050, la hausse provenant à hauteur de 76% des pays émergents. Par contre, dans les pays développés, la consommation devrait diminuer pour des raisons de santé, des raisons éthiques ou encore liées à l’environnement. Les échanges mondiaux de viande sont toutefois assez réduits puisqu’ils ne représentent que 10% de la production mondiale ; il s’agit davantage de viandes de volaille (41%) que de viandes bovines (30%) et porcines (26%). Mais le commerce progresse plus vite que la production.
Bernadette MÉRENNE-SCHOUMAKER, Atlas mondial des matières premières, Incertitudes et défis, Paris, Autrement, p. 30.
Des différences culturelles dans la représentation
Végétarisme, véganisme, macrobiotisme, crudivorisme… et les alimentations « sans » (sans gluten, sans lactose) ne sont pas perçus de la même manière selon les milieux sociaux et selon les pays occidentaux. Largement compris comme des caprices et des comportements asociaux dans les pays latins de culture catholique, viscéralement attachés à la communion de la table et au partage convivial, la culture anglo-saxonne, au contraire, les voit comme l’expression d’une liberté fondamentale de l’individu. La langue même le dit : la formule française « alimentations particulières » sonne comme une déviance, et le « sans » gluten est résolument privatif, là où les expressions anglaises selective eating et gluten free affirment l’irréfragable droit du mangeur à choisir son alimentation et à se distinguer de l’Autre par ses dietary requirements ; très répandue outre-Atlantique et outre-Manche, cette formule ne connait pas d’équivalent en français.
Florent QUELLIER, Histoire de l’alimentation, de la préhistoire à nos jours, Paris, Belin, 2021, pp. 766.
En guise de conclusion
Pour conclure cette importante partie et contrebalancer le caractère haché de la synthèse de la page 10, on terminera sur la lecture du texte de Florent Quellier qui permet de prendre encore un peu plus de hauteur sur notre rapport à la nourriture et plus particulièrement sur son versant identitaire et l’illusion qu’il peut donner d’habitudes de consommation qui seraient toujours déjà là alors qu’en l’état, comme dans de nombreux autres domaines, nos pratiques sont relativement récentes.
Pour s’assurer de la bonne compréhension de ce texte qui, sans être ardu, reste exigeant, on complétera une synthèse qui en reprend les grands points et autres enjeux. Par son caractère englobant, raison pour laquelle il a été choisi en guise de conclusion, on peut parfaitement envisager une évaluation qui se baserait sur la préparation à domicile du texte et consisterait à révéler des liens entre ce qui y est dit et ce qui a été abordé au cours de la séquence.
Doc’utile
« DIS-MOI CE QUE TU MANGES, JE TE DIRAI CE QUE TU ES »
Le célèbre aphorisme IV du « professeur » Brillat-Savarin (1826) n’a probablement jamais été autant d’actualité dans un monde marqué par le tourisme de masse et l’omniprésence des réseaux sociaux. Il résume l’appartenance, réelle ou recherchée, à une communauté – les sociologues actuels diraient à une tribu – que révèlent nos habitudes alimentaires. Non seulement manger est fondamentalement le fruit d’une identité sociale, voire politique, mais cet acte quotidien sert en outre à l’exprimer et à la communiquer, notamment par le food porn, ces photographies de mets postées sur les réseaux sociaux. La crispation religieuse s’appuie également sur des identités alimentaires réaffirmées et crée des débats jusque dans les écoles publiques sur la possibilité de proposer dans les cantines des repas de substitution qui prendraient en compte la confession religieuse des élèves et leurs interdits alimentaires.
[…]
Car manger, c’est aussi entrer dans une histoire partagée : celle de plats familiaux plus ou moins fantasmés, notamment pour les populations d’origine immigrée ; celle de cuisines régionales de création certes récente, mais pensées comme ancestrales ; celle, enfin, de produits du terroir dûment labellisés par des AOP ou des IGP, perçus comme plus authentiques et plus naturelles. Cette histoire partagée offre autant d’antidotes rassurants à l’anxiogène globalisation, à l’apparente uniformisation des denrées alimentaires (en réalité, le succès de la globalisation repose sur une adaptation gustative de produits internationaux aux mangeurs locaux) et à la malbouffe agro-industrielle saturée de graisse, de sucre, d’exhausteurs de goûts et de colorants artificiels. Elle sert également d’alibi culturel pour satisfaire des appétits gourmands face à des discours diététiques culpabilisants et au diktat de la minceur et du ventre plat.
Comme une ville à l’occidentale se devait au XIXe siècle d’avoir un théâtre, un musée, un opéra et de grands boulevards, aujourd’hui tout pays, toute province, toute ville, tout bourg se doit d’avoir une spécialité culinaire élevée au rang du patrimoine. Quitte à nourrir des querelles de clocher à qui détiendra la recette la plus authentique et, par conséquent, la plus ancienne. Mais l’historien sait qu’il faut se méfier du mythe des origines qu’une cuisine ne peut être ni authentique ni immuable : elle est le fruit de constantes adaptations avec des emprunts extérieurs plus ou moins revendiqués. Combien de spécialités méditerranéennes accueillent-elles de plantes américaines ? Quoi qu’il en soit, manger revient aujourd’hui à (re)découvrir, voire à revendiquer, des racines plongeant dans un substrat historique et géographique plus ou moins profond, plus ou moins inventé, et, chemin faisant, à se rassurer face à la crise identitaire que traverse un monde occidental en voie de déclassement et inquiète pour son avenir. A contrario, la mondialisation heureuse se régale de la fusion food, par exemple une cuisine franco-japonaise étoilée, et de mets « revisités » par des cuisiniers et des pâtissiers starifiés comme jamais ils ne l’ont été dans l’histoire, alors que la faim, elle, n’a pas disparu, y compris en Occident, où une population paupérisée dépend de l’aide alimentaire.
Florent QUELLIER, Histoire de l’alimentation, de la préhistoire à nos jours, Paris, Belin, 2021, pp. 767-769.
Initialement centraux dans les versions précédentes, les moments davantage philosophiques ont été déplacés en complément. Par leur caractère éminemment disciplinaire (au sens de la discipline philosophique) ces moments peuvent faire l’objet d’un traitement à un autre moment de l’année en atelier.
Une question philosophique pour aller plus loin
Le plus souvent, les tensions autour des questionnement sur la consommation de viande font apparaître des utilisations des concepts de nature et de nature humaine qui sont mal ou peu définis. On abordera alors de front la question du rapport à la nature humaine dans les régimes alimentaires qui font le choix de se passer de certains aliments.
Pourquoi vouloir aller contre la nature humaine ?
Comme nous sommes dans un cours de philosophie, le traitement de cette question sera double. Il s’agira dans un premier temps de « questionner la question », c’est-à-dire d’en révéler les présupposés et d’explorer les différents sens des mots employés. Du côté des réponses, il s’agira de bien circonscrire ces réponses dans une dimension philosophique et d’invoquer des éléments propres à cette discipline (condition nécessaire ou suffisante, la volonté dont il est question est-elle celle de l’individu ou celle d’une transcendance ? etc.)
On sera donc particulièrement attentif à souligner le caractère peu pertinent des réponses type « pour se faire remarquer », « parce que c’est à la mode » qui n’éclairent pas le versant philosophique induit par le concept de nature humaine.
Les sens du mot nature
Autre élément important sous-tendu tout au long de ce dossier mais qui n’est jamais clairement défini, on prendra ici un moment pour éclairer le concept de nature. Cet éclairage se fera en deux temps.
Dans un premier, à partir de citations, nous travaillerons l’interprétation et l’association d’idées. En demandant aux élèves d’associer les différentes citations en fonction du sens du mot nature auquel elles se réfèrent, nous les plaçons dans un rôle qui n’est ni celui d’une pure création de sens (le sens des citations ne permet pas toutes les combinaisons), ni celui d’un travail d’appariement puisque l’élément à partir duquel il faudrait chercher l’adéquation n’est pas encore déterminé.
Ce sera donc dans un deuxième temps, après un moment d’échange collectif qui peut introduire un exercice de conceptualisation, que nous déterminerons les sens du mot nature et que nous pourrons alors revenir sur les citations afin de voir lesquelles correspondent le mieux aux différents sens.
Un moment de réflexion (ou d’explication, c’est selon) des enjeux autour du mot nature conclura cette partie et pourra même ouvrir, selon l’envie ou le temps, une discussion, un atelier ou un autre dispositif sur une utilisation concrète du mot nature (plutôt même celui de contre-nature).
Doc’utile
Quand l’homme n’aura plus de place pour la nature, peut-être la nature n’aura t-elle plus de place pour l’homme.
Stefan Edberg
La nature est un professeur universel et sûr pour celui qui l’observe.
Carlo Goldoni
L’homme pille la nature, mais la nature finit toujours par se venger.
Gao Xingjian
La Nature est un outil que nous pouvons utiliser pour réparer notre climat brisé.
Greta Thunberg
On est orgueilleux par nature, modeste par nécessité.
Pierre Reverdy
La nature a horreur des trop longs miracles.
Albert Camus
Il n’y a pas de fait contre nature ; la nature n’est jamais contre elle-même.
Paul Toupin
La nature fait les hommes semblables, la vie les rend différents.
Confucius
L’emprise de l’homme sur la nature est devenue telle qu’elle comporte le risque de destruction de la nature elle-même.
Georges Pompidou
Le but de la vie est le développement personnel. Parvenir à une parfaite réalisation de sa nature, c’est pour cela que nous sommes tous ici.
Oscar Wilde