Le présent article est un guide réalisé à destination d’élèves de dernière année du secondaire. Face aux nombreuses erreurs rencontrées dans les travaux réalisés par nos élèves, nous nous sommes rendus compte que la difficulté ne se situait pas tant au niveau de leurs idées, mais au niveau de la compréhension de ce qu’est un avis argumenté et ce que sont des arguments. Ce guide entend rappeler les bases de l’argumentation et est appelé à être complété par un deuxième article qui entre en profondeur dans l’art de l’argumentation (du point de vue du professeur cette fois-ci).
Principe
L’avis argumenté est en apparence une entreprise contradictoire. En effet, par « avis », on entend quelque chose de singulier, de propre à la personne qui expose son avis, son opinion sur le sujet. Mais plus qu’une simple opinion, l’avis argumenté tend à mettre en avant des éléments objectifs ou, du moins, valables pour d’autres personnes qui peuvent en reconnaître le bien fondé, l’aspect rationnel.
L’avis argumenté vise donc à convaincre la ou les personnes à qui nous donnons notre avis. Et par convaincre, il ne faut pas nécessairement entendre les convaincre de penser comme nous, mais plutôt de les convaincre que nous avons de bonnes raisons de penser ce que nous pensons. Cette nuance subtile est importante car elle permet de ne pas tomber dans le « piège » de la mise en avant de l’avis de la personne (que l’on retrouve dans les formulations comme je trouve que, il me semble que) et met ainsi l’accent sur l’argument. En substance, l’idée n’est pas de dire voilà pourquoi tu devrais penser comme moi, mais voilà de bonnes raisons qui devraient permettre de comprendre mon point de vue.
L’avis argumenté n’est pas un exercice d’éloquence dans lequel on amène l’autre à vibrer comme nous, à ressentir ce que nous ressentons (ce qui est plutôt le fait des prédicateurs). Il est la construction et l’articulation d’un ensemble de raisons et d’arguments qui permettent la compréhension du caractère rationnel d’une prise de position.
Dans ce petit guide, nous verrons les grandes étapes et les éléments importants de toute construction d’un avis argumenté. Pour chacune, dans un souci de clarté, nous prendrons des exemples sur la peine de mort, sujet ô combien récurrent.
1. Distinguer l’oral de l’écrit
Avant la rédaction même d’un début de plan d’avis argumenté, il faut avoir en tête si cet avis sera exprimé oralement ou sera lu. Bien qu’anodine en apparence, cette différence est pourtant fondamentale dans la réception de votre avis. La principale raison est assez simple, le caractère subjectif de votre avis sera plus facilement accepté à l’oral qu’à l’écrit.
Lorsque j’écoute quelqu’un parler, lorsque je discute avec quelqu’un, je discute avec un corps en plus d’entendre ses idées. À travers la perception de ce corps et de la voix qu’il émet, toute une série de modulations du discours sont perceptibles. De ce fait, le caractère nécessairement subjectif de l’avis argumenté m’est en permanence rappelé que ce soit dans un regard inspiré, un rictus d’hésitation ou encore un froncement de sourcils qui souligne un passage important de l’exposé.
Dans le cas de la lecture (et donc de la rédaction en amont d’un texte), les choses sont différentes. En effet, lorsque nous lisons un avis argumenté, nous sommes en connexion directe avec les idées de ce texte. Il n’y a pas de médiation par le corps ou la voix et il s’y trouve donc moins de possibilités de moduler l’interprétation en la calquant sur des éléments périphériques.
Bien entendu, on peut toujours écrire ces modulations au moyen de tournures de phrases ou d’un choix savant de certains mots qui préciseront la nuance que nous voulons apporter à ce que nous disons. Mais dans les faits, le texte étant plus direct, on risque davantage d’y sentir la marque de la subjectivité comme un défaut. S’il paraît déjà compliqué d’écouter l’avis de quelqu’un qui donne l’impression de dire « moi je » tout le temps, à l’écrit, cette impression est bien plus vite atteinte. Le lecteur est moins charitable que l’auditeur.
En substance on retiendra qu’à l’écrit la charité du lecteur étant très limitée quant au caractère subjectif de l’avis, il faut mettre en avant le caractère universellement compréhensible et convaincant de l’argument.
Dans les faits, on gardera à l’esprit que c’est l’agencement de tous les arguments qui donne son caractère singulier à l’avis, c’est à-dire propre à la personne qui l’émet.
Si chaque argument est là pour convaincre sur un aspect de la problématique, la structure de l’avis est là pour montrer que votre avis n’est pas anodin ou quelconque, qu’il doit être pris en compte parce qu’il est rationnel, compréhensible et cohérent. Passons maintenant à la structure à proprement parler.
2. La structure d’un avis argumenté
Nous venons de le voir, si les arguments peuvent être partagés et sont la marque du caractère objectivable de votre avis, c’est dans la structure que pourra s’exprimer votre personnalité et la singularité de votre position sur la question. Ainsi, avant toute chose, il vous faudra écrire sur une feuille de brouillon les différentes idées qui vous viennent en tête. Que pensez-vous de la question. Est-ce évident ? Ne l’est-ce pas ? Voyez-vous une difficulté particulière à résoudre avant de répondre à la question ? On ne rédige rien avant d’avoir mis sur papier les grandes idées qui nous traversent l’esprit et d’avoir fait les recherches nécessaires en fonction des zones d’ombre que l’on doit éclaircir.
Une fois vos idées mises sur le papier, dégagez la tendance principale de votre avis : êtes-vous plutôt en faveur, en défaveur, avez-vous un avis mitigé ou êtes-vous incapable de prendre position ? Déterminer de quel « côté » on penche est très important pour éviter les incohérences et les mauvaises interprétations de votre prise de position. Rappelons-nous que c’est l’agencement qui fait l’identité de votre avis, les arguments ne vous « appartiennent pas », vous les découvrez et les utilisez. Trop souvent dans la rédaction des élèves, on sent un décalage entre la prise de position explicitement donnée (souvent dans l’introduction) et le sentiment qu’il ressort de la lecture du texte. Ce décalage apparaît le plus souvent dans les textes et où les avis sont dits mitigés. Regardons de plus près les catégories que nous venons d’évoquer.
2.1 Les avis tranchés
Par définition, l’avis tranché implique d’être sûr de sa position. On remarquera toutefois une différence entre être sûr de sa position et penser que le caractère évident de notre avis se suffit à lui-même . C’est le plus gros risque de l’avis tranché, à savoir de considérer sa position comme tellement évidente qu’elle ne nécessite pas de développement profond.
Un avis tranché ne veut pas dire un avis évident et sans nuance.
Un avis tranché veut dire qu’à la fin du texte le lecteur n’a aucun doute quant à la position de l’auteur vis-à-vis de la problématique ou de la question et ce, malgré toutes les difficultés qui auraient pu être soulignées.
2.2 Les avis mitigés
Avoir un avis mitigé est la marque d’une difficulté à décider. Et par voie de conséquence, avoir un avis mitigé est plus difficile à défendre qu’un avis tranché car la nuance y est cruciale.
Contrairement à une idée reçue, être indécis ne veut pas dire qu’on se trouve face à une impossibilité totale de décider. Dire « j’ai un avis mitigé sur la question », c’est dire qu’il faudrait peu de choses pour basculer d’un côté ou de l’autre de la prise de décision. C’est une erreur que font beaucoup d’élèves à savoir de dire qu’il ont un avis mitigé sur la question alors qu’à la lecture on se rend compte qu’ils penchent d’un côté plutôt que de l’autre.
Avoir un avis mitigé, c’est montrer que la décision est loin d’être évidente, qu’elle peut pencher d’un côté ou de l’autre.
Argumenter dans un avis mitigé ce n’est pas donner autant d’arguments dans un sens que dans l’autre, c’est veiller à l’intensité de ces arguments.
2.3 L’impossibilité à prendre position
On l’oublie trop souvent, dire d’une problématique qu’elle ne peut avoir de solution, ou qu’aucune solution ne semble être la bonne, est une possibilité de l’avis argumenté. Il faut être franc, c’est la plus difficile à suivre car elle suppose un équilibre parfait dans l’exposition des arguments. En effet, dire qu’il y a incapacité à décider c’est mettre en balance des arguments et des idées différentes en montrant comment elles se neutralisent ou en révélant leur incommensurabilité (c’est-à-dire l’impossibilité à les mesurer et à les comparer).
Opposer deux principes fondamentaux et montrer en quoi ils se neutralisent est le moyen le plus facile (mais risqué) d’atteindre l’équilibre de l’impossibilité à décider.
3. Construire stratégiquement sa structure
Traditionnellement, l’avis argumenté se compose d’une introduction, de paragraphes argumentés – où chaque paragraphe vaut pour un argument – et d’une conclusion.
L’introduction
L’introduction sert à contextualiser la question. S’il s’agit d’une question de société ou qui trouve des applications concrètes dans le réel, on contextualisera en mettant en avant le caractère actuel (réel ou possible) de la question (1). S’il s’agit d’une question qui touche à des concepts ou à des idées, on veillera à définir dans les grandes lignes les notions centrales de la question (2).
Exemple 1 : Faut-il rétablir la peine de mort ?
La peine de mort est un sujet de conversation qui revient régulièrement dans les débats de société à l’occasion d’événements particulièrement choquants pour l’opinion publique. En effet, la question du rétablissement de la peine de mort indique que nous parlons du point de vue des sociétés qui l’ont exclue de leur système de justice. Pour commencer, rappelons que la peine de mort n’est pas abolie dans plusieurs pays et qu’aujourd’hui encore, dans le monde, de nombreuses personnes sont condamnées à mort pour des raisons qui ne nous semblent pas toujours légitimes. Ainsi, c’est du point de vue d’un système de justice qui garantit un droit à la défense, un certain nombre de recours et de vérifications, en résumé qui évite l’arbitraire, que j’emploierai la notion de peine de mort. Malgré le caractère séduisant de cette forme de résolution des problèmes, j’y suis farouchement opposé pour des raisons factuelles, mais aussi par principe.
Exemple 2 : Le respect se mérite -t-il ?
La question ici posée est d’une grande complexité car elle met en relation deux notions faussement évidentes. De manière générale, on entend par respect une certaine attitude vis-à-vis de quelqu’un voire de quelque chose. Pour ce qui est du mérite, il s’agirait plutôt d’une sorte de normalité d’un résultat obtenu. Dire qu’on mérite quelque chose, c’est dire qu’il y a une cause juste à ce que cette chose advienne pour nous. Comme je le vois, la question posée peut être traitée de plusieurs façons et demanderait un long travail d’explication trop grand malheureusement pour la tâche demandée. C’est pourquoi je considérerai la question ici dans le cadre du respect entre des personnes que l’on pourrait reformuler : Le respect dû à une personne est-il inconditionnel ou est-il le fruit d’actions, de situation, etc. ? Avant de répondre, il faudra explorer ces deux aspects de la question.
Dans un avis argumenté, l’introduction est fondamentale car elle cartographie le traitement de la question. C’est à cette occasion que l’on peut explicitement dire que l’on n’abordera pas une partie de la question (il faudra alors le justifier comme dans le cas dans l’exemple du mérite).
Parce qu’elle est une introduction, on veillera à ce qu’elle ne dépasse pas ¼ du texte pour les avis sur des questions « de société » et 1/3 pour les avis qui concernent des idées et autres notions.
Le contexte scolaire n’est jamais pertinent comme introduction d’un avis argumenté. Dire « dans le cadre du cours », c’est comme lire un livre dont les premières phrases sont « ceci est une histoire écrite sur du papier »… on le sait, pas besoin de le dire.
Pour une introduction qui marque au minimum le caractère subjectif de l’avis, on veillera à parler de la prise de position en dernier, c’est-à-dire à la fin de l’introduction.
La construction du texte
Tout texte argumentatif est construit selon une structure, un squelette. La séparation des idées et des arguments en paragraphes est primordiale car elle permet de visualiser les différentes idées du texte et de se repérer dans celui-ci. Cette partie faisant l’objet du cours de français, nous allons nous pencher sur la manière de construire le squelette de l’argumentation, c’est-à-dire le cœur du texte (donc ni l’introduction, ni la conclusion). En simplifiant, on peut identifier deux grandes catégories de structures d’argumentation. Soit le catalogue et le filage.
Le catalogue
Très répandu chez les élèves, le catalogue consiste à lister une série d’arguments et à les développer les uns à la suite des autres.
L’idée ici est de proposer plusieurs raisons et de les agencer selon la prise de position (tranchée, mitigée, absente).
En termes de construction, on veillera à bien lier les différentes parties et on sera particulièrement attentif à travailler les transitions. Si, dans un premier temps, on se contentera des classiques « premièrement, de plus, en outre, etc.», il sera de bon ton de proposer des transitions plus subtiles qui fluidifieront la lecture du texte.
On peut imaginer, par exemple, de reprendre un élément donné dans le paragraphe précédent et de l’utiliser pour commencer son argument.
Exemple (suite de l’introduction sur la peine de mort) : en lieu place du sempiternel « premièrement », nous pouvons reprendre un élément de contextualisation.
Nous venons de le dire, la question porte sur le rétablissement d’une sanction qui a été abolie pour des raisons de principe. Dès lors, il me semble important de commencer par mettre en avant ce qui relève des principes dans mon opposition. Loin d’évoquer la barbarie d’une telle pratique, discutable d’ailleurs, j’aimerais attirer l’attention du lecteur sur la nature d’une peine censée rendre la justice. Bien souvent, on s’imagine l’utilité de la peine de mort dans des circonstances précises, souvent un acte que l’on qualifie de monstrueux, dont la culpabilité ne fait aucun doute et surtout dans des cas où l’empathie avec les victimes est directe et évidente. Sans ignorer ces aspects, il ne faudrait pas oublier qu’à travers cette sanction, la société ne tend pas seulement à se protéger, la prison y suffit, mais elle porte un jugement sur le mérite des uns et des autres à vivre en fonction de leurs actes, et sur ce que l’on peut attendre d’eux en termes de réparation.
Le filage
Comme le laisse entendre ce terme issu du monde du textile, le filage suppose une idée large que l’on va affiner. Cette approche est particulièrement efficace pour des textes où les enjeux semblent se situer dans la compréhension ou dans le choix de principes ou de notions.
Bien souvent, pour argumenter, nous invoquons de grands principes comme la liberté ou la justice. Mais à bien y regarder, ces notions ne sont généralement pas traitées et développées, mais plutôt utilisées voire exposées comme si elles avaient une valeur intrinsèque, une force en soi. C’est le fameux « chacun devrait être libre de faire ce qu’il veut » et pour les plus nuancés on ajoutera « tant que cela ne nuit pas aux autres ».
Un avis argumenté qui « file » ressemblera davantage à un exercice de clarification à l’occasion d’une question problématisante. Dans les faits, la question est le terrain de « jeu » où l’on développera et précisera la notion tout en marquant en quoi cette notion est fondamentale pour comprendre la question et pour pouvoir y répondre.
Visiblement plus compliquée qu’un catalogue, cette approche, quand elle est bien menée, est bien plus « convaincante » car elle montre dans sa réalisation le caractère implacable et cohérent des principes invoqués là où, d’habitude, ils sont simplement affichés. Pour s’en convaincre, il suffit de regarder les débats où, au bout de quelques secondes ces derniers temps, on pourrait résumer les échanges à « je vous dis que non, je vous dis que si » sans qu’aucun intervenant ne se soit mis d’accord avec l’autre sur le sens des mots employés.
Exemple : Dans un travail qui porte sur la liberté d’agir en société, on commencera par distinguer le droit de la liberté. Prenant bien le temps d’examiner les difficultés d’expressions telles que « on devrait être libre de », on montrera comment sa représentation de la liberté n’est pas incohérente avec la position que nous prenons vis-à-vis de la question abordée.
Du point de vue de la stratégie de construction, on fera particulièrement attention à ne pas commencer par son meilleur argument. Bien que je puisse moduler mon argumentation, l’intensité de mon texte dépendra de celle des arguments et de leur séquençage. Ainsi, commencer par un argument extrêmement convaincant et puissant risque de rendre les autres moins impactants et, pour le lecteur lambda, de donner le sentiment que votre texte ne comporte qu’un seul véritable argument. À l’inverse, une construction en crescendo (arguments de plus en plus forts) permettra un assentiment de plus en plus appuyé au fur et à mesure que votre texte avance.
Si nous partons du principe que le lecteur n’est pas de bonne foi (mais n’est pas complètement buté non plus), le début du texte est le moment où ses certitudes sur la question sont les plus fortes. Ainsi, c’est le moment du texte où il sera le plus « résistant » ou le moins perméable à votre propos. Trop d’intensité en début de texte risque de le pousser dans ses retranchements. De là, il risque de voir dans toute faiblesse ultérieure un moyen de marquer son désaccord. En graduant l’intensité, vous l’installez dans une zone de confort où chaque argument amenant plus de précision et d’intensité, le lecteur se laissera davantage convaincre. Dans notre exemple ci-dessus sur la peine de mort, dire explicitement de ne pas aborder la thématique à travers la notion de barbarie est à dessein de ceux qui refuseraient par principe cet argument. En signifiant qu’on ne l’abordera pas en ces termes, on diminue la puissance du choc de l’opposition.
La conclusion
Le rôle de la conclusion d’un avis argumenté est de présenter la synthèse de ce qui a été dit tout au long du texte. Trop souvent, les élèves pensent qu’énoncer les arguments donnés dans le texte est une manière pertinente de le terminer. Si cette règle est valable pour un texte long (au moins 30 000 signes espaces non comprises), un article voire un chapitre de livre d’essai, il n’en est rien pour un texte relativement court. La raison est simple, le lecteur n’a pas eu le temps d’oublier la structure du texte.
Pour éviter ce piège de la répétition, il faut envisager la conclusion comme le moment où l’on rappelle les enjeux de la question et où l’on montre en quoi notre choix d’arguments éclaire et/ ou répond à la question. Il y a donc
Votre conclusion ressemble à une liste d’arguments liés par des connecteurs vus et revus… c’est que vous faites fausse route.
Exemple de ce qu’il ne faut pas faire : En conclusion je suis contre la peine de mort car, premièrement, ce n’est pas efficace, deuxièmement ce n’est pas juste car il y a un risque de condamner des innocents sans pouvoir revenir en arrière. [On dirait un inventaire]
Exemple (à partir de l’introduction formulée plus haut dans cet article) : Nous l’avons vu tout au long de ce texte, la question de la réhabilitation de la peine de mort n’est pas un sujet aisé à aborder. Toutefois, cette difficulté n’empêche nullement de prendre position de manière franche [ici on rappelle le contexte et notre position]. La question de la peine de mort a ceci de particulier qu’elle relève à la fois d’éléments concrets et qu’elle porte sur des principes moraux, éthiques et des choix de société [ici, on replace les enjeux des arguments avancés]. Parmi ces principes, nous avons montré l’importance de l’innocence dans la représentation que nous avons de la justice. Mais la question ne s’arrête pas à cette dimension. En effet, poser la question de la peine de mort, c’est poser la question des effets de cette dernière sur la société et évaluer l’efficacité de la mise en place de mesures aussi radicales. Nous l’avons montré, il n’y a aucune certitude en la matière qui assure le coût de renier les principes sur lesquels la société a décidé de l’abolir. À la lumière de ces éléments, il ne me semble pas nécessaire de rétablir une pratique abandonnée depuis des années et dont la question s’invite à chaque moment d’émois autour d’affaires sordides…. Émois légitimes, mais qui n’ont rien à voir avec la Justice [On ajoute ici un petit élément rhétorique qui n’est pas directement un argument pour appuyer la clôture de notre texte].
Malgré une idée reçue, il n’est pas obligatoire que l’ordre des arguments dans la conclusion et dans le texte soit le même. C’est d’ailleurs une bonne manière d’éviter le piège de l’inventaire cité plus haut.
Dans la construction de son plan, on veillera à rédiger l’introduction et la conclusion après avoir choisi et travaillé les arguments.
4. Les arguments
Dernier morceau de notre guide et non des moindres, les arguments sont les éléments essentiels de l’avis argumenté. Rappelons qu’un avis, par définition, dépend uniquement du sujet qui expose son avis. Sans argument, l’avis n’est porté que par le bon vouloir de celui qui a cet avis… et encore, il faudrait s’assurer que ce bon vouloir n’est pas le lieu d’une influence extérieure.
Par définition, un argument est une raison, une motivation qui ne dépend pas uniquement du sujet pensant. Autrement dit, un argument est une raison de penser qui peut se partager. Par corrélation, convaincre c’est montrer que les raisons que nous avons sont bonnes et peuvent – voire doivent – être partagées par ceux à qui nous nous adressons.
On peut distinguer deux grandes catégories d’arguments : les arguments basés sur les faits et les arguments basés sur les principes. Ces deux catégories concernent la nature de l’argument et son contenu.
Les arguments factuels
Utiliser un argument factuel, c’est insister sur l’aspect concret de la question, sur les conséquences des choix posés. Ils dépendent donc de l’adéquation au réel. Leur force réside dans la pertinence du lien qu’ils font entre le réel et la question posée, la problématique. Basés sur des faits, ils sont généralement sourcés ou au moins illustrés à l’aide d’exemples.
Exemple : Je suis contre la peine de mort car elle est inefficace à diminuer la criminalité.
Ce sont des arguments difficiles à contredire, mais également difficiles à élaborer car ils demandent des recherches pour s’assurer que les éléments donnés sont factuellement vrais.
Les arguments de principe
Un argument basé sur un principe, ou une idée, vise à marquer ce qui, dans la question, dépasse la factualité, l’actualité de la question. Un argument de principe se base plutôt sur une abstraction. Ces arguments dépendent de la cohérence au moment de l’élaboration de la notion, mais aussi de la pertinence du lien fait avec cette même notion telle qu’abordée par la question.
Exemple : Je suis pour la peine de mort car, la condamnation à la prison à perpétuité est une condamnation à mort différée et déguisée.
Ce sont des arguments plus faciles à remettre en question, mais plus facile à élaborer (pour peu qu’on y soit habitué) car ils demandent de la réflexion et permettent des choix dans la construction des concepts et des idées.
On peut contre-argumenter : Si la peine de mort ressemble à la prison à perpétuité sur sa capacité à mettre hors de la société des individus, on ne peut les considérer comme équivalentes en regard de l’irréversibilité de la peine de mort.
La structure des arguments
La construction classique
Habituellement un argument se construit en trois temps : énonciation, développement, illustration. Ces trois éléments sont nécessaires car, dans le cas contraire, l’argument peut sembler manquer de clarté (pas d’énonciation), ou trop rapide et sommaire (pas de développement) ou difficile à comprendre et abstrait (pas d’illustration).
L’énonciation est la formulation claire et concise de l’argument.
Le développement est une formulation plus complète de l’argument, on y met de la précision et de la nuance. L’illustration est la représentation concrète de l’argument. Ce peut être un cas réel ou fictif.
Exemple : La peine de mort ne sert pas la société [énonciation]. Le but de la justice est multiple et ne concerne pas seulement les victimes, d’autant plus dans les affaires particulièrement médiatisées. Dans ces cas, la mise à mort de l’individu clôt l’affaire et sa dette envers la société. Aucune réparation au préjudice pour la société ne sera envisagée. Or, un système de justice digne de ce nom se doit de servir les intérêts des victimes, de la société et s’assurer d’un procès équitable (intérêt de l’accusé) [développement]. Par exemple, on pourrait très bien imaginer un système dans lequel le « condamné à mort » travaillerait jusqu’à la fin de ses jours au service de la collectivité sans avoir de lien avec elle (il reste en prison) [illustration].
Commencer par un exemple c’est prendre le cas particulier pour la règle. C’est donc s’exposer à un contre-argument qui mettra à mal tout notre argument. Dans un argument développé, un mauvais exemple ne met pas à mal l’argument, il est simplement non pertinent.
La fausse concession
Une autre manière d’envisager la structure d’un argument consiste à ajouter une quatrième partie à la structure ci-dessus. Cette nouvelle partie vient en premier et consiste à reconnaître un argument en défaveur de notre prise de position. L’idée est alors de montrer en quoi cet argument n’est pas si évident et de présenter le nôtre comme une réponse, un contre-argument, à celui mis en scène.
On n’utilisera pas cette technique plus d’une fois par texte au risque de révéler le caractère artificiel de la mise en avant d’arguments qui vont contre notre idée.
On évitera, autant que faire se peut, de formuler des hommes de paille et autres généralités abusives. La force de cette construction d’arguments dépend de la plausibilité de l’argument mis en avant afin d’être contredit.
Pour conclure : un petit plan de synthèse
